Gerhard Richter a toujours cherché à raconter l’histoire contemporaine d’après-guerre, en donnant une nouvelle approche à la relation entre peinture et image. Sa manière de se rapporter à la peinture est unique : il donne au spectateur la capacité de réécrire l’histoire du personnage. On le voit dans ses portraits de dos ou fluides, où la figure s’échappe et où le spectateur doit imaginer les scénarios qui entourent le personnage. Parfois, il tourne littéralement le dos au spectateur, l’obligeant à compléter l’histoire par lui-même, transformant ainsi la peinture en un espace de participation et de reconstruction

Formé à l’Académie de Dresde, Richter revisite les personnages de son pays natal et des figures politiques fortes, toujours avec une poésie spectrale qui traverse l’histoire et l’émotion. Chaque œuvre est un dialogue entre mémoire et perception, entre présence et absence, entre l’histoire telle qu’elle fut et celle que chaque spectateur reconstruit.

Dans ses dernières années, Richter a cessé de produire des œuvres comme un acte politique, face à la situation contemporaine, mais pas avant de laisser un grand testament visuel, un héritage d’images mêlant mémoire, histoire et émotion. Son œuvre montre que la peinture n’est pas seulement représentation : c’est un territoire de pensée, d’imagination et de réinterprétation constante.

Chronologie résumée de l’exposition
- 1962–1970 : Peindre à partir de la photographie – Premières œuvres basées sur des photos de famille et de presse, comme Tisch et Bombers, mêlant histoire personnelle et allemande.
- 1971–1986 : Questionner la représentation – Portraits et dissolutions picturales ; l’image se fragmente et la couleur se disperse, ouvrant un espace de réinterprétation.
- 1987–1995 : Histoire et politique – Série 18 octobre 1977, abstractions denses et portraits intimes confrontant mémoire et violence politique.
- 1992–2013 : Cycles et vie intime – Portraits, abstractions et œuvres en verre ; le vitrail de Cologne (2002) mêle hasard et géométrie.
- 2014–2025 : Élégies et présent continu – Cycle Birkenau sur la Shoah, derniers dessins et œuvres publiques ; arrêter de peindre comme acte politique, tout en laissant un héritage visuel.

Cette rétrospective montre comment Richter transforme la peinture en espace où l’histoire peut être racontée, reconstruite et réécrite par le spectateur, rendant à la peinture son mystère : montrer et cacher, se souvenir et oublier, construire et effacer.
À quatre-vingt-dix ans, son œuvre continue de montrer l’essentiel : l’image ne reflète pas le monde, elle le pense, le reconstruit et le réinvente, laissant un testament visuel unique, poétique et politique.

Fondation Louis Vuitton — Du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026
8, Avenue du Mahatma Gandhi
Bois de Boulogne, 75116 Paris
de 11h à 20h
Texte: Sophia Thowinsson
Images: Krystal Ortiz Riveira