Dérivé de légende autrichienne, cet homme là est un géant, tombé dans une potion magique à l’âge de 12 ans lorsqu’il décide, poussé par un don assurément inné pour la création, de dessiner une maison de vacances pour son cochon d’Inde. Illusionniste averti, ce designer prolixe manie l’objet et ses destins divers.
Entre libres propositions artistiques et commandes industrielles, Robert Stadler déploie les talents d’un véritable contorsionniste alliant au conceptualisme l’élément fonctionnel. Travail abouti qui semble défier les lois de la physique. Vous pensez que ? Vous vous trompez…
Après avoir co-fondé le collectif RADI DESIGNERS en 1992, Robert Stadler poursuit son parcours de génie créatif et compte pas moins de trois expositions personnelles en 2008, dont “Dissipations” à la Galerie Emmanuel Perrotin à Paris où son inspiration empreintée des théories scientifiques sur les structures dissipatives démontre qu’un système peut devenir stable à partir du non-équilibre. De quoi parle-t-on ? D’une série de meubles “Possible Platforms” composée de modules aux faux airs de galets plats recouverts de tissu, construits comme en déséquilibre. L’illusion est parfaite et l’œil le plus aguerri se leurre face à ce semblant d’instabilité perturbante. Ne vous fiez pas aux apparences, l’empilement n’en demeure pas moins stable et confortable
“Rest in Peace” œuvre initiée en 2004 finit de nous convaincre, si besoin est, de la magie ambiante. La copie conforme d’une chaise de jardin en plastique est comme rongée de toutes parts, fragilisée dans sa fonction initiale par quelques orifices béants. Que nenni ! L’objet en fonte d’aluminium peint en blanc est solide comme un roc. Créateur hybride, l’œuvre de Robert Stadler interpelle, brouillant les pistes en empruntant autant au design qu’à l’art contemporain. L’homme s’interroge sur l’objet en tant qu’œuvre ou produit, du sérieux à l’absurde. Sa première création qu’il revendique en 2000 s’intitule “Do Cut”, et l’objet vendu avec une scie permet à l’acquéreur de modifier le produit et sa fonction au fil des années. Abat-jour, siège ou pot de fleur, à vous de choisir.
Dans “Pools & Pouf !” le Chesterfield classique est dissous en un ensemble de flaques de cuir noir capitonné. Une explosion quelque peu provocante où l’objet semble s’évanouir. Un miroir en guise d’oracle, un autre un peu trop curieux, espion à ses heures… et toute la symbolique de l’objet habilement détournée pour être tournée en dérision.
Questionnement, esthétisme, et sens aigu du détournement, Robert Stadler dérange harmonieusement l’espace, effaçant définitivement l’infime frontière entre art contemporain et design.
Sachez dorénavant que vous voici contraints d’attendre les yeux rivés sur l’horloge “24 h”, la maudite heure de midi ou minuit, pour vous délecter d’une blonde bimbo aux traits jusqu’alors déformés. Jeux d’optique où l’objet se joue de nous et c’est tant mieux !
www.robertstadler.net www.galerieperrotin.com
Texte : Jessica Segan
Photographie : Patrick Gries
EXTRAIT DEDICATE 18 – Automne 2008