La superbe quadra working mum executive, ex dir com’ de TF1 & Directrice Générale Richard Orlinski Groupvient de publier son tout premier roman L’amour et autres mensonges aux éditions Robert Laffont. Un romanintime, qui lui permet enfin de faire éclore ses talents d’autrice. Nous la rencontrons en Provence entre deux séances de signatures, dans son refuge Saint Rémois…
Pourquoi as-tu choisi seulement ton nom de jeune fille sur la couverture de ton livre ?
C‘est bien sûr d’abord mon nom et puis étant donné que mon mari est une personnalité publique je ne voulais pas que ça interfère dans l’accueil qui pouvait être donné au roman. L‘écriture est une activité qui m’est très personnelle, j’ai d’ailleurs toujours mené de mon côté mes propres activités professionnelles. Mon mari Vincent (NDLR : Vincent Labrune, Président de la ligue de football professionnel) bien sûr me soutient, mais je pense que c’était plus judicieux que ce soit uniquement mon nom de jeune fille qui soit mis en avant, puisque c’est un projet qui m’est propre.
Comment t’est venu le déclic de l’écriture ?
II y a très longtemps à la fin de mes études à Sciences Po j’ai fait un mémoire sur la dictature en Uruguay. L’histoire de ce pays m’a bouleversée puisque frappé par une dictature militaire qui a engendré de nombreux drames familiaux & intimes.L’Uruguay détient le triste record du plus grand nombre de prisonniers politiques rapportés à sa population. C‘est un petit pays dont on a très peu parlé, pourtant son histoire est très intéressante parce qu’il était peut-être celui qui était le moins destiné à une dictature militaire, puisqu’il avait une grande stabilité politique, un niveau d’éducation très élevé et une prospérité économique. Pourtant il a aussi été frappé par la dictature. J‘ai lu beaucoup de choses sur les prisonniers politiques et ce qui leur arrivait là-bas, ce fut pour moi la première fois que j’étais confrontée à la barbarie humaine et à ce que l’homme peut faire de plus vil. J’ai écouté beaucoup d’interviews de réfugiés politiques, 25% de la population active du pays s’est exilé que ce soit en France ou aux États-Unis ou dans différents pays d’Europe. il y a eu cette arrivée massive de réfugiés qui avait quitté leur pays, leur famille, leur culturepour s’abriter dans des démocraties d’accueil. Ce qui a engendré des parcours de vie complètement bouleversés. Donc je me suis toujours dit qu’un jour j’aimerais raconter ces histoires, écrire là-dessus. Ce rêve d’écrire un roman me paraissait un peu inaccessible. La vie m’a fait rencontrer une jeune autrice qui travaillait chez la plus grande agente littéraire française et américaine qui s’appelle Susanna Lea qui m’a poussé à écrire, à lui envoyer mes chapitres un par un pour lire à la fin tout monmanuscrit. Elle l’a beaucoup aimé et m’a donc prise dans son agence. 3 semaines après il y avait plusieurs propositions de maisons d’édition sur la table.
Pourquoi Robert Laffont ?
J’ai choisi Robert Laffont parce que j’ai rencontré par l’intermédiaire de Susanna celle qui est devenue mon éditrice, Alice d’Andigné et ça a tout de suite très bien fonctionné entre nous. J‘ai beaucoup aimé le regard exigeant qu’elle avait sur monmanuscrit. On s’est comprises, j’ai passé tout un été à retravailler le texte, et elle a donc accepté de publier ce premier roman. Toute l’équipe de Robert Laffont sont des gens extrêmement professionnels et très gentils.
Dans quelle ambiance aimes-tu écrire ?
Partout ! j’écris sans aucun protocole, c’est-à-dire que j’écris souvent la nuit parfois pendant les vacances, le soir après avoir couché les enfants, le week-end beaucoup.Quand j’écris je suis tellement habitée parce que je suis en train de faire que je ne vois plus passer les heures. Je peux travailler jusque tard dans la nuit, tout un week-end. C‘est une activité qui est tellement intense qu’on oublie le temps.
Peut-on dire que c’est un exutoire pour toi ?
Ça peut l’être effectivement, puisque j’écris en partie pour exorciser tout ce qui bout à l’intérieur de moi et en même temps je suis très tournée vers les autres, parce j’écris vraiment avec cette envie de toucher l’autre, presque de cœur à cœur ou en tout cas de plume à cœur. J‘ai écrit cette histoire complètement dans le désordre, en fonction de l’inspiration du moment et ce qui a été assez incroyable c’est quand il a fallu assembler tous les chapitres, cela a vraiment coulé de source, en 10 minutes c’était chose faite, avec une facilité déconcertante. J’ai en tout mis 2 ans et demi, par intermittence avec toutes mes autres activités, pour finir ce roman.
Pourquoi as-tu utilisé la forme du roman ?
Je dois te dire que j’aime vraiment écrire, j’écris aussi des chansons et de la poésie. Notamment pour le duo Calema qui chante partout dans le monde et qui a récemment fait Bercy. J‘aime l’écriture sous toutes ses formes.
De quoi parle ton premier roman L‘amour et autres mensonges ?
C’est l’histoire de Mathilde la mère et Lucie sa fille, une jeune femme mariée 2 enfants à la vie bien rangée, qui un jour va rencontrer par hasard un homme qui va lui faire oublier tous ses principes et la faire basculer dans l’infidélité, jusque-là ça peut paraître assez classique mais ce qui est peu banal c’est que Lucie est elle-même le fruit d’une relation adultérine que sa mère a eu dans les années 70 avec Luis un jeune médecin uruguayen, qui a fui la dictature de son pays. C’est à ce moment-là que le livre bascule. Luis vient vivre dans le nord de la France et rencontre cette jeune femme Mathilde extrêmement généreuse qui vient d’un milieu modeste et qui met beaucoup de cœur dans la relation qu’elle crée avec lui. L‘un et l’autre vont ensemble se sauver, se reconstruire et vivre une très belle histoire d’amour. L’histoire d’amour adultère de Lucie lui permet d’un peu mieux comprendre d’où elle vient. 9a permet à Lucie de savoir d’où elle vient et de comprendre ce qu’avécu sa mère, qui est ce père qu’elle n’a jamais connu. Lucie est le fruit de cette relation cachée, un enfant du mensonge, du secret.
Ça me fait tout de suite penser à l’histoire de Mazarine Pingeot …
Tu as raison, moi aussi ça me fait penser à Mazarine, mais ça fait aussi penser à cestrès nombreuses familles dans lesquelles il y a des secrets. C‘est un des thèmes que j’ai voulu aborder, qui est à la fois très intime et très universel. J’ai aussi voulu parler de la quête du père, un sujet qui me semble-t-il est très important et partagé par de nombreuses personnes, comme celui de la quête de l’identité.
Parle nous de l’histoire d’amour de Lucie
Son histoire d’amour en arrière-plan est une histoire de vertige. Je n’ai d’ailleurs jamais nommé l’amant. L‘amant n’a pas de nom, je l’appelle toujours il parce que finalement je pense que cette histoire va être un déclencheur pour Lucie, une étincelle qui l’ébranle dans ses certitudes. Elle s’était construite une vie rangée car elle voulait absolument faire le contraire de ce qu’avait fait sa mère et avait des certitudes et des jugements bien ancrés et puis un jour boum, elle aussi commet l’adultère. Ça la perturbe beaucoup et la ramène à sa propre histoire, au secret de sa naissance et à l’histoire de ses parents. En même temps elle se pose beaucoup de questions, elle se dit « mais est–ce que ce n’est pas mon héritage, d’être moi aussi une menteuse ? » d’ailleurs je termine un des chapitres sur son questionnement où elle se dit mais en fait non, je ne suis pas une menteuse, je suis un mensonge ! Elle se demande si elle est un enfant de l’amour ou du mensonge et puis peut-être elle va finalement se rendre compte qu’elle est les deux.
Car bien sûr l’on peut être les deux en même temps.
Ton livre est un peu l’histoire d’un pardon d’une fille à sa mère ?
Je ne l’évoque pas aussi clairement. C’est un mot qui n’est d’ailleurs jamais prononcé dans le bouquin. Je dirais plutôt que c’est finalement comme une grande déclaration d’amour de Lucie à sa maman, d’une fille à sa mère. Il y a aussi toute une partie qui parle de la quête du père. Comment ce père peut vivre à 10 000 kmsans se soucier de cet enfant pendant 20 ans. Luis, médecin uruguayen, va devenir une figure politique, et même un ministre qui va se battre pour ses idées, pour sa nation et son peuple. Lucie est à la fois en admiration devant cette figure paternelle forte et un petit peu fantasmée, et en même temps elle a immédiatement un sentiment d’abandon. Pourquoi cet homme n’est-il pas dans sa vie ? Elle va alorschercher à faire sa connaissance. J’ai écrit toute une scène où Luis et Mathilde vont ensemble pour la première fois à une soirée où il n’y a que des sud-américains exilés, des Brésiliens, des Argentins, des Chiliens, Mathilde est une femme des années 70 issue d’un milieu modeste qui se retrouve à travailler à la fac de médecine, confrontée à un mépris social en tant que femme non éduquée de la campagne, plongée au milieu de tous ses médecins. Elle va beaucoup apporter à Luis qui est un homme brisé, car avant de fuir en France, il a dû couvrir les crimes de la dictature, qui lui demandait d’attester que des prisonniers morts torturés, étaient morts d’une crise cardiaque ou d’une mauvaise fièvre. C‘est un homme pétri de culpabilité que Mathilde aide à se relever.
Ton roman a plusieurs entrées, divers thèmes …
Je fais beaucoup de rencontres lors des signatures et je trouve incroyable que mes lecteurs réagissent différemment selon leurs propres histoires personnelles. Certainssur l’usure du couple, d’autres sur le thème de l’exil, du déclassement social, sur la quête d’identité et la recherche du père. D‘autres vont même me confier un secret de famille. En fait, chacun va y piocher des thèmes qui le touchent et en ça je pense que c’est un roman qui peut parler à plusieurs générations. J‘ai vraiment essayé de ne pas juger mes personnages, aucun des personnages. J’ai essayé de comprendre,d’aller vraiment au plus profond de leur intimité sans les juger. J‘aime bien que chacun se fasse son opinion et honnêtement parfois on me pose des questions sur ce que j’en pense et je n’ai pas la réponse.
As-tu un nouveau projet de roman ?
Oui avant même d’écrire ce premier roman j’avais une autre idée sur laquelle j’avais commencé à travailler et j’ai d’ailleurs décidé de m’y remettre. J‘ai la chance d’avoir des éditrices formidables qui me poussent et m’encouragent, donc là je profite de l’été pour travailler sur mon 2e bouquin. Ce sera aussi un roman qui parle de l‘intime,mais dans un contexte politique très particulier.
J‘imagine qu’une adaptation cinématographique de ton roman est un rêve ?
Bien évidemment, c’est vrai qu’on a envoyé le manuscrit à un certain nombre de producteurs en France et à l’étranger. C‘est sûr qu’en écrivant ce roman je voyais se dérouler les scènes devant mes yeux. Mon écriture est très visuelle, je vois avant d’écrire, je vois pendant que j’écris donc je pense que ça pourrait s’y prêter effectivement. J‘espère que certains producteurs seront séduits.
Par quel réalisateur souhaiterais-tu idéalement voir ton livre adapté au cinéma ?
Je trouve qu’il y a un cinéma latino-américain, justement que ce soit en Uruguay, en Argentine ou au Mexique, où il y a des réalisateurs formidables comme Alejandro González Iñárritu, mais également le réalisateur Alfonso Cuarón, créateur del’excellente série Disclaimer avec Cate Blanchett.
Qu’aimes-tu lire ?
Je viens de finir le roman de David Foenkinos Tout le monde aime Clara, j’aime beaucoup sa sensibilité. J‘avais lu juste avant, le prix Goncourt 2024 Houris de Kamel Daoud, qui se passe en Algérie pendant les années 90 avec toute cette violence islamiste. J’aime les romans de Milan Kundera dont L’insoutenable légèreté de l’être qui est mon livre de chevet. J‘aime quand on vient provoquer chez moi une émotion, que ce soit un rire ou des larmes. J‘aime aussi ressentir la beauté de l’écriture. Je lis avec un crayon à papier et je souligne quand c’est beau, j’encadre, je relis, je suis une lectrice très lente, je savoure les belles phrases. J‘ai une véritable gourmandise pour les mots qui est sans fin, sans limite. J‘aime aussi beaucoup le photojournalisme qui dénonce une situation dramatique mieux que 1000 mots,comme le travail de Lee Miller. En art, j’aime bien Louise Bourgeois avec toutes ses réflexions sur la mère, j’adore aussi Niki de Saint Phalle et le pop art.
Que peut-on te souhaiter ?
De continuer et de réussir à toucher le cœur des gens ! quand quelqu’un me dit parfois même sur Instagram (des gens que je ne connais pas) : « je suis en train de lire votre roman, je suis au Japon dans un train et je pleure » ça me touche énormément il n’y a rien de plus gratifiant. Une des premières lectrices m’avait dit : « Vous m’avez brisé le cœur ! » c’est fort, c’est intense, je ne suis évidemment pas sadique mais provoquer des émotions fortes chez les autres c’est absolument génial !
L’amour et autres mensonges – Robert Laffonf
Interview : Cyrille-Xavier Napolitano
Photo : Thierry Teisseire