En mars dernier, la ville de Trieste a été le théâtre d’un événement singulier : la dernière édition de l’ITS Contest. Depuis plus de deux décennies, le concours a permis de révéler certains des plus grands noms de la mode contemporaine, tels que Demna Gvasalia et Cecilie Bahnsen. Mais en 2025, loin de l’esprit compétitif habituel, l’événement a pris un virage radical et a tiré sa révérence dans un souffle de renouveau. Plutôt que d’opposer, il rassemble. Plutôt que de sacrer un vainqueur, il investit dans une génération.
Un format réinventé : plus qu’un concours, un manifeste
Plutôt que de départager les talents, le ITS Contest 2025 a choisi de les réunir. Tous les finalistes ont été accompagnés de manière équitable, à travers des résidences créatives, des expositions, des bourses ciblées et des expériences immersives en lien avec leurs univers respectifs. Une manière forte de remettre en question le modèle élitiste des concours traditionnels.

Le vêtement comme langage universel
L’exposition Borderless, lancée à l’ITS Arcademy – Museum of Art in Fashion, incarne cette vision inclusive. Y sont présentées les créations des dix finalistes, venus de Chine, de France, d’Allemagne, du Royaume-Uni ou encore de Belgique. Chaque silhouette devient ici un vecteur d’émotion, un fragment d’identité à la croisée des cultures. En parallèle, l’exposition Fashionlands, imaginée par Olivier Saillard et Emanuele Coccia, interroge notre rapport aux vêtements comme territoire intime et politique.
Une reconnaissance sur mesure
Parmi les designers sélectionnés, Maximilian Raynor s’est vu attribuer une distinction assez particulière : The special ITS Jury’s Rewarding Honours. Une récompense qui prend la forme d’un accompagnement individualisé et durable, du mentorat, à la mise en réseau, en passant par un accès privilégié à l’industrie. Plutôt qu’un prix figé, un tremplin adapté à sa trajectoire.
Le Prix du Film de Mode est revenu à Meret Olympia Salome Baer, diplômée du Royal College of Art, pour son court-métrage Lactic Acid, salué pour sa sensibilité visuelle et conceptuelle.
Les finalistes de cette édition ont tous bénéficié d’opportunités pensées en lien avec leurs projets. Certains ont été invités dans les coulisses de grandes maisons comme OTB, d’autres ont reçu des bourses liées à l’innovation ou à l’écoresponsabilité. Macy Grimshaw exposera à la Fondazione Sozzani en 2025 ; Zhuen Cai a reçu une aide dédiée à la durabilité ; Patrick Taylor entamera une résidence à Modateca Deanna. Chaque « prix » devient ici un outil d’évolution, loin des logiques de compétition ou de classement.
Un jury à l’image de l’événement
Composé de figures venant de la mode, de l’art, de la recherche ou du développement durable, le jury a accompagné cette nouvelle vision avec une approche transversale. On y retrouvait entre autres les designers Zandra Rhodes, Maria Sole Ferragamo, ou encore l’initiatrice de l’ITS… Contest.
À l’origine du tournant, Barbara Franchin et son équipe. À travers l’ITS Arcademy, elle poursuit désormais un travail d’archivage, de transmission et de mise en valeur de la mode comme art à part entière. Pour la fondatrice, cette édition est une lettre d’adieu à la compétition, mais aussi une lettre d’amour adressée à la nouvelle génération de créateurs : “Offrir à tous la possibilité de grandir ensemble est une réponse aux défis éthiques de notre époque”, explique-t-elle. Une vision radicale qui oppose à la logique du vainqueur unique, celle de la contamination créative.
Avec cette édition, l’ITS ouvre un nouveau chapitre pour les plateformes émergentes, où la coopération prend le pas sur la compétition, et où le talent s’épanouit sans se mesurer. ITS 2025 n’a pas simplement célébré des créateurs. Ces derniers ont été accueillis, écoutés, et surtout, préparés. Non pas à gagner. Mais à durer.
Les expositions Borderless et Fashionlands restent ouvertes au public, traces tangibles d’un moment de bascule. L’ITS Arcademy se profile désormais comme un laboratoire permanent, où la mode se pense, se montre, et surtout, se partage.
Journaliste : Rania Harrath