On la repère à un détail : cette lumière suspendue dans l’air du soir. Un trait rose, net, accroché au-dessus d’une entrée qu’on pourrait manquer si on ne regardait pas vraiment. Et c’est tant mieux. Frivole n’est pas pour tout le monde.
Glissé dans un angle du Triangle d’Or, au sein de La Maison Champs-Élysées, le nouveau restaurant n’aime pas les formules convenues.
Derrière, un monde pensé par Fabien Chalard et Julien Geliot, des hommes qui connaissent l’élégance, mais préfèrent quand elle se déhanche un peu. Ils ont dessiné un lieu de contrastes : matière et lumière, silence et éclat.
Les murs dialoguent entre velours dense et surfaces tendues. Les couleurs n’ont rien de criard, elles enveloppent. Au mur, des corsets : pièces baroques à peine ironiques, comme des clins d’œil envoyés à celles et ceux qui n’ont pas peur du second degré.
Le jour, le soleil s’installe dans les plis de la terrasse. Large. Franche. Sans mise en scène. On s’y pose. L’air y circule comme un dimanche sans pendule. Le soir, autre tempo. Les textures prennent le pouvoir : celles des cocktails, denses, parfois moirés, parfois brûlants, jamais simples. On ne boit pas, on explore. Le verre n’est pas un objet, mais un moment de plaisir.
Chaque création est une alliance précise d’arômes inattendus, un jeu entre l’acide, le sucré, le fumé, la douceur ou l’amertume. Les mixologues, véritables alchimistes très souriants, défient la nuit parisienne avec une signature assez unique.
La cuisine française, oui, mais plutôt comme une main experte qui aurait pris le droit de la bousculer, sans jamais l’abîmer. Rien n’est figé.
La carte fait la part belle aux produits nobles, choisis avec rigueur, mis en avant selon les saisons. Chaque jour, elle évolue entre cuisson lente qui laisse le produit s’exprimer et saisie rapide qui frappe juste. Viandes et poissons sont préparés avec ce souci du geste précis, pour que le partage autour de la table reste simple, mais savoureux. Les desserts, eux, jouent la partition du final inattendu. Ils sont là pour faire réagir.
On peut venir à deux, seul ou en bande : le lieu s’adapte.
Et à partir de septembre, ceux qui aiment disparaître sans s’isoler trouveront un refuge dans le Salon Louis XIII : un espace à l’abri, confidentiel, réservé. Pas caché. Discret. C’est différent.
Cognacs rares, cigares choisis sont prévus. La lumière y sera plus basse. L’écoute plus fine. On parlera moins. Mieux.
Frivole n’est pas conçu.e pour plaire à tout le monde. Mais quand ça plaît, c’est indécent comme ça marche bien.
FRIVOLE, 8 rue Jean Goujon, Paris 8.
Rédaction : Rania Harrath