Connu pour ses amours cinématographiques, le duo culte de la French Touch revient avec un album dont le concept est simple comme la lune. Il s’agit d’offrir une vie sonore à un chef d’œuvre du muet… L’électro-pop 5 étoiles a encore de belles nuits devant elle grâce à AIR.
En 1998 sortait Moon Safari, le premier album officiel de AIR. Un voyage dans la lune avant l’heure, déjà inspiré du film culte de George Méliès. En 2011, le duo versaillais est invité à en composer la bande originale afin d’accompagner la version superbement restaurée du court-métrage. Mais quatorze minutes, c’est peu pour ces assoiffés de mélodies planantes. Déclinant chaque thème, AIR le transforme en album digne de ce nom. Une fois encore, on voyage très loin. On prend des nouvelles des étoiles, tout en ayant les pieds sur terre. Rencontre de l’au-delà de notre petite Terre étriquée avec Jean-Benoît Dunkel et Nicolas Godin.
Comment passer d’une bande originale de court-métrage en un véritable album de onze titres ?
Nicolas Godin : Vu que c’était un film muet, chaque scène du Voyage dans la Lune devait posséder un morceau bien à elle. La répétition d’un même thème, comme nous avions par exemple fait dans Virgin Suicides aurait pu lasser les spectateurs. C’était le terreau idéal d’un véritable album de compositions, qui nous permettait de revenir sur nos premières amours. Ce film de Méliès est culte pour beaucoup d’artistes, y compris nous, et depuis notre enfance. Moon Safari avait été écrit en filigrane du Voyage dans la Lune.
Vous semblez ne jamais vouloir vous arrêter qu’à la musique… Pourquoi ?
NG : C’est beaucoup de travail, un album, donc nous ne pouvons pas en faire tous les trois mois. Mais nous avons besoin de créer. Il faut donc nous accorder des récréations sonores entre chaque disque…
Jean-Benoît Dunkel : Les projets extra musicaux nous maintiennent en éveil. Dans le cadre de notre groupe, nous faisons de la pop. Mais sommes aussi ravis de plonger dans la musique de ballets, de jeux vidéos, de films, de génériques télé, de vidéos publicitaires … AIR ne pourrait pas se recycler sans ces side-projects.
Et le cinéma est un terrain de jeu idéal ?
N.G. : En composant la musique d’un film, nous assistons à son évolution. Pour Virgin Suicides, Sofia Coppola nous envoyait des cassettes de rush toutes les deux semaines afin que nous puissions suivre le scénario. Cela nous permettait de plonger dans un univers différent que celui de la musique, d’en découvrir ses coulisses, et même d’y participer. Nous ne sommes plus, alors, seulement spectateurs, nous devenons acteurs, en quelque sorte. C’est grisant.
Vous considérez-vous plus comme des artistes que comme des musiciens ?
N.G. : Par mes limites musicales, je me considère plus comme un artiste contemporain que comme un musicien. Je crée un objet sonore, c’est une porte vers un univers qui te fait voyager. La composition en elle-même, je m’en fous un peu. Si quelqu’un d’autre la crée, ce n’est pas grave. Ce qui m’intéresse, c’est le résultat global.
Comptez-vous défendre ce nouveau disque sur scène ?
N.G. : Pas dans un futur proche, car nous n’avons pas envie de repartir prochainement sur la route. Mais rien ne nous empêche de projeter le film et de jouer en même temps. Il ne dure que 14 minutes. Nous avons la chance d’avoir aujourd’hui un vrai patrimoine de morceaux, on peut jouer 10 00 Hertz, Virgin Suicides, Le Voyage dans la Lune, Moon Safari…
Vous aimez les ordinateurs et les effets propres à l’électro. Or, Nicolas, vous aviez appris à jouer du Koto et du Shamisen avec un maître japonais pour Pocket Symphony (2007)… Allier le numérique à l’analogique, c’est votre truc ?
J.-B.D. : Absolument. Et nous essayons de changer d’instrument à chaque disque. Nous sommes des « bricolos de la musique », comme le dit notre ingénieur du son !
N.G. : C’est pour ça que nous sommes fans du Japon, où la modernité est alliée à la tradition.
À propos du Japon, les récents drames nucléaires vous ont-ils affectés ?
N.G. : Ce pays est victime d’une vraie malédiction, on avait déjà fait une chanson qui parlait d’Hiroshima et de Nagasaki. C’est dingue que l’un des pays que nous aimons le plus au monde soit frappé aussi intensément. Mais cela ne m’empêche pas d’y aller, il y a une semaine, j’y étais encore.
J.-B.D. : La Russie avec Tchernobyl, puis les Américains qui ont failli avoir de gros problèmes, aujourd’hui le Japon. Cela finira par arriver à la France, qui est le pays qui a le plus de centrales nucléaires. Un jour, nous allons devoir quitter la Terre… Et enfin partir vivre dans l’espace !
Interview : Sophie De Rosemont
Photographie : Wendy Bevan
EXTRAIT DEDICATE 28 – Printemps-Été 2012