Il souffle comme un vent de liberté. « Come On Now », le poing levé on croirait entendre au loin gronder la « Révolution ». Nicky Bomba à la batterie et Byron Luiters à la basse, le John Butler Trio revient avec brio soulever les foules sur un nouvel album « April Uprising » alliant l’intime et la révolte.
Rencontre diaboliquement envoûtante avec l’âme d’un guerrier à la carrière fulgurante, qui après avoir écoulé près de 2 millions d’albums à travers le monde et plusieurs tournées mondiales à guichets fermés, déploie de nouveau l’énergie bienfaitrice de sons innovants délicieusement contestataires.
Vous avez débuté il y a plus de dix ans, en fondant votre propre structure « Jarrah Records ». Plutôt risqué ! Aviez-vous besoin d’être pleinement indépendant pour créer ?
Nous avons commencé en 1996, or les maisons de disques ne se sont intéressées à notre musique qu’à la sortie de notre second album, disque d’or. Plus exactement le 2ème jour après sa sortie alors que nous passions à la radio. Nous avions déjà rassemblé les fonds nécessaires. « It wasn’t risky, it was just the only way ! » Nous avons donc créé nous-mêmes nos albums, les avons distribués, vendus. C’était la seule solution pour réaliser notre rêve.
Pourquoi chantez-vous ?
« Cause I have to, that’s a need ! ». La musique m’aide à vivre la vie à fond. Ce n’était pourtant pas une évidence. J’ai commencé à l’âge de 16 ans, ce qui est assez tard, et ne voulais pas devenir « Rock Star ». C’était un loisir d’adolescent. Puis à 21 ans je me suis mis plus sérieusement à la guitare, à écrire, toujours plus de chansons. Ce qui était à l’origine un passe-temps est devenu une réelle dépendance.
Comment écrivez-vous vos chansons?
De différentes manières. Il m’arrive de me lever en pleine nuit, au sortir d’un rêve, pour écrire. Dans les toilettes, dans un bus, un train, un avion, en voiture. Je n’ai pas encore écrit en faisant l’amour mais bientôt peut-être, qui sait ? Ce doit être tout de même perturbant d’y penser ainsi. (Rires…). Il n’y a pas de situation particulière, plus adéquate, il faut simplement être prêt à saisir l’instant. L’inspiration est un mystère. J’écris la mélodie et le rythme avant les paroles. De là les mots m’apparaissent peu à peu, puis une phrase que j’analyse et dont je tire une chanson…C’est inconscient et je n’y réfléchis pas trop.
« April Uprising » comme vous le dites, est « la métaphore de la transformation ». Une nouvelle formation composée de Nicky Bomba et Byron Luiters, mais aussi un clin d’œil à vos ancêtres, idéalistes, révolutionnaires. Dites m’en plus…
Il existe une série de SBS TV « who do you think you are », diffusée en Angleterre, aux Etats-Unis et en Australie, qui permet de retracer son arbre généalogique. Un jour, ils ont frappé à ma porte pour savoir si j’étais éventuellement intéressé, or comme beaucoup, j’ai toujours voulu connaître mes origines. J’ai donc sauté sur l’occasion, car ce projet m’aurait bien pris 7 ans si je l’avais réalisé de mon propre chef. C’est ainsi que j’ai appris que mon arrière-arrière grand-père avait participé au soulèvement d’avril en 1875. C’était un révolutionnaire, idéaliste. Coïncidence, je suis né 100 ans après, en avril 1975. L’an passé, en avril, nous avons dissous le groupe et j’ai décidé de faire une pause dans ma carrière. Enfin cette année, de nouveau en avril, je sors ce nouvel album. Tout ceci est une sorte de « Révolution » globale. Au sens littéral, elle se traduit dans les paroles de mes chansons alors que je les ai écrites avant même de connaître l’existence de mes ancêtres. Mais aussi d’un point de vue personnel, au sein de mon groupe, et dans ma musique. « There’s a whole April Uprising happening on so many different levels ».
En parlant d’idéalistes, de rêveurs, et alors que vous avez déjà joué au sommet d’un arbre, dans vos rêves les plus fous, qu’aimeriez-vous faire?
Voler. Davantage encore que de pouvoir respirer sous l’eau. Il semble exister un tel sentiment de liberté lorsqu’on sait voler ! Se téléporter aussi et pouvoir ainsi rentrer dîner avec ma femme et mes enfants.
Qu’en est-il de « JB SEED ART GRANT » ?
J’ai créé JB SEED ART GRANT avec ma femme il y a 5 ans, une fondation pour la gloire de l’art. Nous croyons en la culture et il y a tant de bons artistes australiens. Nous nous efforçons de les aider à devenir indépendants en leur apportant notamment une aide financière. La grande majorité des artistes ont la même définition du succès : réussir à vivre, payer son loyer tout en exerçant sa passion. Or seulement un sur un million y parvient ! Etre indépendant financièrement libère l’esprit et permet de créer toujours davantage. Or plus une société développe sa culture et plus un peuple est apte à cerner son identité. En Australie, la culture est primordiale car c’est un pays jeune qui se cherche. Nous souhaitons permettre aux artistes d’émerger, se faire connaître via notre site web et autres moyens.
Il s’agit de choisir de faire partie du problème ou de la solution; nous avons tous le devoir de faire la différence, que ce soit en jouant en haut d’un arbre pour faire réagir un peuple sur le sort de la forêt Tasmanienne, en éduquant honorablement nos enfants, en étant compatissant… « There are many different ways to change the world, we all have responsibility for ourselves ». Chacun se doit de trouver son rôle dans la société afin de pouvoir s’entraider par delà les frontières, les nationalités et les drapeaux…
… Et « The get up Organisation » ainsi que « The One Organisation » ?
J’apporte mon soutien à ces organisations qui luttent contre la pauvreté et les maladies évitables, surtout en Afrique, en mobilisant l’opinion publique autour d’initiatives efficaces. J’essaye tant bien que mal de réduire mon impact sur la planète, faire peser la balance de façon positive. Lors de notre tournée aux Etats-Unis, nous utilisions essentiellement du carburant vert. Il s’agit de développer le plus possible les énergies propres, renouvelables, bien que la tâche soit ardue. Tout est possible, même la téléportation !
Si demain vous deviez vous recycler, que feriez-vous ?
Je ne sais pas si ça paierait et me permettrait de répondre aux besoins de ma famille, mais je pourrais peindre, skater, faire de la vidéo et du camping ! Si je ne passais pas mon temps à faire de la musique, j’adorerais créer des publicités. Je trouve que la plupart sont grotesques, réductrices. On essaye désespérément de nous vendre ce dont nous n’avons pas réellement besoin avec un tel sérieux ! J’essaierais de tourner cette démarche en dérision, « make fun of it », être subversif.
Un rituel avant de monter sur scène ?
Je m’échauffe, j’exerce ma voix et je prie, non pas un dieu en particulier mais quelque chose auquel je suis connecté.
Une mauvaise habitude ?
Finir les phrases des gens et faire craquer mon cou.
Un conseil ?
Etre présent même si c’est plus facile à dire qu’à faire. « Life is now, it’s not tomorrow, nor yesterday. Carpe Diem ! »
Si j’étais John Butler, quelle question me poseriez-vous ?
« Are you happy ? »
Oui je le suis.
Interview: Jessica Segan
Photographie : Benjamin Savignac
EXTRAIT DEDICATE 23 – Été 2010