Gaspar Noé, le cinéaste culte de “Carne”, “Seul contre tous” et “Irréversible” se prête au jeu de l’interview postapocalyptique.
Al Gore et Nicolas Hulot nous avaient bien prévenus, les glaciers ont fondu, sortez vos Zodiac et vos canoës, il n’y aura pas de la place pour tout le monde dans l’arche de Noé.
THE PEALS : Qui embarquerais-tu sur ton arche pour les sauver du déluge ?
Gaspar Noé : Sans hésiter, je choisis Jean-Louis Costes (ndlr : le performer pas le restaurateur !). Il me fait hurler de rire, surtout son CD “NTM-FN” ; je peux le mettre en boucle, je ne m’en lasse jamais. Ce disque est inspiré de sa prise de tête avec Kool Shen, une histoire de jalousie à propos d’une meuf qui s’appelait Darling, je crois. Kool Shen a fini par laisser des messages d’intimidation sur le répondeur de Costes et Costes s’est empressé de les réutiliser sur son disque. Son CD “In the ghetto” est aussi à hurler de rire, une vraie blague. Tous ses CD sont super bien aussi bien musicalement qu’au niveau des textes. Sinon, le dernier truc que j’ai vu dernièrement et qui m’a fait rigoler, c’est “Borat”. Je n’avais pas du tout accroché à son film “Ali G”. J’ai dû l’arrêter au bout de quinze minutes, c’était trop narratif, trop calibré. Mais “Borat”, par rapport au système de diffusion connu, c’est assez sulfureux, même si à l’arrivée ils se sont fait des couilles en or. C’est un peu comme “C’est arrivé près de chez vous” avec plein de moyens, et encore plus acide, plus réel. Et quand tu vois les Amerloques ultraracistes qu’il filme, c’est un gouffre… C’est de l’humour méchant. Mais il se fout pas de la gueule de gens handicapés, il se fout juste de la gueule de psychorigides qui ont l’impression d’avoir tout compris. Ah oui, je prendrai aussi Vuillemin, le dessinateur : il aurait la meilleure place sur mon bateau. Costes et Vuillemin, ce seraient les coéquipiers les plus drôles pour aller découvrir un nouveau monde. En ce qui concerne l’étranger, les plus drôles seraient Borat, Mister Bean et Todd Solondz, sauf que peut-être les deux premiers le sont moins dans la vie réelle.
Quels films tu emmènerais avec toi ?
Côté français, dernièrement j’ai beaucoup aimé “Flandres”, même si je n’aimais pas vraiment les précédents.
Tu n’aimais pas les films de Bruno Dumont ?
J’avais pas du tout aimé “29 Palms”. En revanche, “Flandres” c’est super bien. Avec “Le cauchemar de Darwin”, ce sont les deux films français qui m’ont marqué l’année dernière. Mais si je ne devais emporter qu’un seul DVD de notre pays, ce serait le double coffret “L’âge d’or” et “Un chien andalou”. Il y a quelques années, j’aurais rajouté “La maman et la putain” de Jean Eustache. Buñuel sait se servir du cinéma pour créer une situation dans la salle. Tu vois bien qu’il n’a pas fait ses films pour faire une carrière ou du fric, mais pour faire de cette brève expérience qu’on appelle la vie un truc jouissif et transgressif. Il peut y avoir une connotation politique dans ces deux films, mais surtout on y lit le plaisir de pousser des gens dans leurs derniers retranchements psychologiques. Certains diront que ce sont des films communistes ou anarchistes, c’est bien au-delà de tout ça. Luis Buñuel a fait des films non encadrés, il garde toujours son espace de liberté et n’appartient à aucun groupe dominant. Par conséquent, tous les groupes politiques peuvent se sentir visés, attaqués, à droite comme à gauche. L’introduction d’“Un chien andalou”, c’est une des ouvertures les plus violentes de l’histoire du cinéma. C’était son premier film, je ne sais pas si ça ressemble plus à du Dali ou à du Buñuel, mais le résultat est là : tu es scotché dès les trois premières secondes. Alors imagine les spectateurs en 1927. Il n’y a pas eu de choc pareil au cinéma à part peut-être “Salo” de Pasolini. J’ai revu celui-ci récemment et ça a pris un coup de vieux parce que techniquement c’est un peu bancal. Mais il y a un vrai désir de s’exprimer librement, et Pasolini ce qu’il a à dire même si à l’arrivé le propos est plus ambigu qu’il ne le prétend.
C’est des gens comme Pasolini que tu accueillerais dans ton arche ?
Ouais, pourquoi pas ? Quant au marquis de Sade, même si je ne sais pas à quoi il ressemblait personnellement, je pense que je n’aurais vraiment pas envie de l’inviter. Je préfèrerais qu’il y ait un maximum de femmes et de filles et qu’elles puissent se sentir en sécurité. Et parmi les trucs que j’emporterais avec moi, il y aurait aussi les 200 derniers numéros de “Hara-Kiri”, ceux où ils n’en faisaient qu’à leurs têtes. Le problème en France comme aux USA, ce sont les systèmes de censure. Et mis à part celui omniprésent sur les images et propos concernant les guerres en cours, le plus bête est celui concernant le sexe. Tu ne peux t’exprimer que dans les limites où cela ne pose aucun problème à aucun groupe majoritaire et minoritaire. Tout le monde se tient par les couilles mutuellement. Au cinéma, t’as besoin d’un minimum de financement, mais quand tu vas voir les chaînes de télé, ils se chient dessus à la lecture du scénario. Les lecteurs du CNC et des chaînes de télé ont toujours peur qu’un jour un supérieur ou collègue leur reproche quelque chose et qu’ils perdent les petits sièges provisoires. Au bout d’un moment, il ne se passe plus rien. Il y a des moyens de contrôle de plus en plus oppressants. Moi, j’ai vécu sous une dictature en Argentine et je sais ce que c’est une presse sous l’emprise du pouvoir. Mais t’as des systèmes plus tordus où le gouvernement place ses pions partout et au bout d’un moment l’info est neutralisée tout comme le cul et l’humour aussi. Dupontel m’a raconté que dans un gag, il avait utilisé le terme “mongolien” ou “mongolo”, je sais plus. Tout le monde utilise cette expression dans la vie, et pourtant il a été attaqué par les associations de défense des trisomiques 21. De plus en plus, cette liberté naissante qui faisait la beauté des années 70 s’est réduite à pouvoir prendre un ecstasy dans son coin sans le crier trop fort et, qu’on soit homo ou hétéro, à baiser à condition de mettre des capotes et de contaminer personne. Il y a un moment où tout est conditionné. Même le porno fait peur. Et ce n’est pas la bite en érection qui fait peur, mais le fait que tu peux y voir un valet d’une classe inférieure baiser une bourgeoise. Du coup, le bourgeois peut flipper que sa fille, sa femme ou sa belle-mère voient ces images et soient tentées de se faire enfiler par un valet bien gaulé et ainsi tomber enceintes. T’imagines pour l’héritage ? Ça ferait désordre de voir un prolo accéder, par la simple grâce d’un muscle invertébré, aux biens corporels qu’une famille avait mis si longtemps à acquérir. Il y a un côté mode à montrer de la pornographie, mais dès que ça dépasse le cadre anecdotique d’une galerie d’art, ça pose problème. “Destricted” le film porno “arty” auquel j’ai participé a été financé par des mécènes anglais, pas par l’argent du cinéma ou de la télé. Il est passé à Cannes, à Sundance, à la Tate Modern, dans un contexte où c’est toujours présenté comme de l’art, pour un public bourgeois qui s’est déjà habitué aux images de Larry Clark et Matthew Barney. Par contre, si tu veux faire une séquence de cul dans un long-métrage normal, encore aujourd’hui les barrages légaux et commerciaux sont permanents, surtout au niveau du financement. C’est un parcours du combattant juste parce que tu veux montrer une bite en érection en plan large. Mais qui ne voit pas régulièrement sa bite en érection dans la vie ? Et c’est pas laid. Alors ?…
Tu t’es déjà senti victime de cette censure cachée ?
Pour “Irréversible” au départ, je voulais faire un film érotique avec Vincent et Monica, mais ça ne s’est pas fait parce qu’ils ne voulaient pas faire un film qui pourrait peser dans leurs relations quotidiennes. Et je les comprends. Finalement, les producteurs étaient soulagés et préféraient que je fasse un film violent. Ça leur paraissait plus acceptable d’avoir un film avec un viol et et un meurtre qu’un mélo avec des scènes érotiques, parce ça pose des problèmes de diffusion et de financement. Quel est le problème avec le cul ? Le cul, c’est la source de la vie pas de la mort ! Je suis en préparation de mon prochain film qui se passera au Japon, j’avance d’un pas et puis je suis obligé de reculer de deux. L’équipe est prête, j’ai l’actrice, et il y a une semaine, on a soudain voulu m’imposer des clauses liées à la censure et au final cut, alors qu’il n’y a vraiment rien de sulfureux dans ce film. Je leur dis : “Pourquoi vous êtes venus me chercher ? Allez plutôt faire des comédies bouffonnes avec ces comiques de la télé.” En France, ils ont tous tellement peur de se faire taper sur les doigts. Ils trouvent ça bien d’avoir un auteur “sulfureux” dans leur catalogue, mais de l’autre côté ils te demandent de mettre une perruque et de voter écolo.
Quels musiciens tu choisirais pour embarquer sur ton arche ?
Pour discuter, en tout cas, il y aurait Peter Sotos ancien membre de Whitehouse, un groupe indus des années 80-90. J’aime parler avec lui, c’est un type incroyable, une vraie encyclopédie vivante. Dans la même génération, j’aime beaucoup Genesis P-Orridge de Psychic TV et Throbbing Gristle. Ce sont des musiciens, mais surtout des intellectuels. Il y a peu de musiciens dont les interviews peuvent te passionner. P-Orrridge est très porté sur l’O.T.O. (la loge d’Aleister Crowley), il était très pote avec William Burroughs et Brion Gysin et est obsédé par le chiffre 23. Il représente toute une branche de l’Angleterre décadente, de la contre-culture. Mais bon, en réalité, je n’aimerais aucun membre d’aucune secte ou loge dans mon bateau.
Et quels sont les albums qui échapperaient au déluge ?
En CD, j’écoute beaucoup “Dreamies”, un truc fait en 69 par un musicien qui s’appelle Bill Holt et qui s’était inspiré du morceau “Revolution 9” des Beatles. C’est dans la foulée du White Album, vraiment super psyché, avec de temps en temps des petites mélodies genre Beatles, mais surtout avec des collages de bruits divers, de bouts de discours. J’aime beaucoup la musique que Jimmy Page a fait pour “Lucifer rising” de Kenneth Anger. Mais ils se sont embrouillés, et Anger a refait faire la musique par son ex-amant qui était en prison, un pote de Charles Manson qui s’appelait Bobby Beausoleil. Tu peux quand même trouver la bande originale de Page sur vinyl et même en CD. En fait, je suis pas très rock. Si j’ai du mal à m’endormir, je mets “Abbey Road” des Beatles ou le disque du Velvet avec la banane. C’est comme un sédatif, une comptine pour les enfants. Sinon, je suis plutôt musique bruitiste ou alors trucs tibétains avec des fréquences sonores ultrabasses. Peut-être que c’est parce que je pense toujours à mes projets de film et aux nappes que je pourrais mettre. À l’inverse, parfois j’accroche sur des chansons super narratives comme il peut y avoir chez Édith Piaf. Soit tu t’accroches au texte, soit à la musique. Y’a rien qui me saoule plus que le rock californien genre Red Hot Chili Peppers. Je déteste toutes les boîtes qui passent ça en Californie. J’aime toujours énormément le premier album des Daft Punk “Homework”, ainsi que la musique que Bangalter avait composé pour “Irréversible”.
Des peintres ou artistes ?
J’ai plein de bouquins de Chéri Samba et de Pierre Molinier, le photographe des années 50-60 qui se travestissait dans ses propres photos. Molinier fait des œuvres surréalistes, fétichistes, avec des filles en bas résille, des masques, des photomontages. Il s’est suicidé tardivement, après avoir décidé dix ans à l’avance du jour et de l’heure de son suicide. Il était fasciné par les femmes, il disait qu’il avait passé son enfance fourré dans les jupes des femmes. Il a photographié Emmanuelle Arsan, celle qui a écrit “Emmanuelle”. C’était un mec sympathique, avec une voix douce, et une vraie passion pour les armes. Il avait une super collection d’armes. Il était aussi la honte des surréalistes qui le trouvait un peu dangereux. Chéri Samba, lui est un peintre congolais, à mi-chemin entre la peinture et la BD, avec des couleurs super vives et des paillettes. Dans ces tableaux, y’a un côté “on est en Afrique, tout se passe mal, le sida fait des ravages, la pauvreté est partout” mais de l’autre côté “faisons des tableaux joyeux et utiles avec un style de propagande”. Pour résumer, ça ressemble à l’esthétique des salons de coiffure africains mais poussée mille fois plus loin par un érudit qui connaît par cœur les tableaux de Dali.
Parce qu’il faut bien prendre des éléments négatifs, quels grands criminels tu choisirais d’emmener ?
Je dirais Spartacus. C’est un criminel puisqu’il s’est révolté contre l’ordre établi et la loi. Je pourrais aussi dire Robespierre et Che Guevara. Un criminel, c’est quelqu’un qui fait quelque chose contre la loi. Tu as des gens qui font des choses contre la loi parce que la loi est mal faite. Tu es parfois obligé d’outrepasser la loi pour établir un semblant d’équilibre social. Je n’ai aucune fascination pour les sadiques et les serial killers. Le meilleur rempart contre les sadiques, c’est de surenchérir dans la violence. Si t’es face à un sadique et que t’es pas plus sadique que lui, alors tu vas perdre. J’ai un ami qui s’est retrouvé un soir avec un cambrioleur chez lui et qui l’a tué, mais ce n’est pas quelqu’un qui éprouvait du plaisir à accomplir un acte de violence. C’est juste que c’est une situation où c’est toi ou l’autre. Légitime défense. C’est vrai que t’as des situations comme celle de dictature où t’es tellement sous pression qu’il n’y a que le passage à l’acte qui te permet de t’échapper du pays et de sauver ta peau.
Quels architectes tu accueillerais pour reconstruire ton nouveau monde ?
Je pourrais dire un truc évident comme Gaudi dont les gens connaissent le travail, mais il y a plein de choses que j’adore et dont je ne connais pas les auteurs comme l’Empire State Building ou le Chrysler Building à New York. Je me demande aussi qui a bâti Notre Dame ? C’est comme King Kong : le personnage est universel et intemporel et tout le monde le connaît, mais personne ne peut donner les noms des réalisateurs du film de 1933, Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Je pourrais parler aussi des constructions aztèques et mayas, ou de la basilique de Sainte-Sophie à Istanbul dont je ne connais pas les auteurs. L’architecture, ça dure cent fois plus longtemps que les films qui vieillissent très vite et dont la technique va beaucoup changer ; ils seront bientôt en 3D, donc on oubliera ceux d’avant. Les architectes sont sous-médiatisés alors qu’ils ont beaucoup plus d’influence dans nos vies quotidiennes que les chanteurs de variété.
Quels animaux auraient tes faveurs ?
Je prendrais un écureuil et un colibri, c’est beau et inapprochable. Avec les dauphins tu peux encore sympathiser. Les animaux ne devraient pas être considérés comme laids. Mais bon, pour les araignées et les vers de terre, ils nous répugnent parce c’est une peur ancestrale inscrite dans notre ADN. Tu n’as qu’à voir “Starship troopers”, les monstres sont des insectes et ils nous font beaucoup plus peur que la bête d’“Alien”. Alors qu’en fait, une araignée c’est pas plus laid qu’une chaise.
En ce qui concerne les sportifs ?
Nadia Comaneci à 13 ans. Enfin, je prendrais des acrobates, des patineurs artistiques. Je ne regarde pas le sport. Le sport, vaut mieux en faire qu’en regarder. Mais bon, les sportifs kamikazes qui font des trucs extrêmes comme sauter par-dessus des voitures, ou les Chinois qui font des acrobaties où on se dit mais comment ils font pour pas se tuer, ça je trouve ça impressionnant.
Et quelles religions tu garderais ?
Aucune. J’interdirais toute religion. Expulsion immédiate et définitive pour toute personne qui emmènerait un attribut religieux quel qu’il soit. Pour eux et pour leur descendance. Les religions sont comme des maladies de l’esprit. Même celui qui viendrait à parler en bien d’une secte serait mis dans un radeau pour repartir chez lui. Je suis totalement antireligieux, allergique même aux petits mouvements new age, au moindre petit quart de gourou. Je suis d’accord avec cette citation qui dit : “Les religions ne sont que des sectes qui ont triomphé par l’épée et par le sang.” Du coup, à la place j’emmènerais des vrais humains au cerveau non javelisé : des scientifiques (par exemple, j’aime beaucoup Laborit), des médecins, des biologistes. Je suis pour qu’il n’y ait aucun attribut religieux à l’école, rien du tout. Un pays laïque devrait combattre les religions comme des sectes. Il faudrait donc trouver une petite île où tout ça est interdit. En même temps, c’est comme les hippies et leurs communautés, au bout d’un moment tous les problèmes relationnels des sociétés, les concours de bites, les luttes de pouvoir que tu retrouves dans n’importe quelle communauté de singes, s’y reproduisaient aussi. Du coup, ces ambiances cool, aux États-Unis ou dans le Larzac, étaient devenues des nids de vipères où tout le monde détestait tout le monde. En plus il y avait la drogue qui au lieu de les libérer les rendaient totalement psychotiques et débouchait sur des caricatures de société où les choses étaient encore plus dysfonctionnelles. Les plans chamaniques, c’est un peu dans le même ordre d’idées que les religions. Il faut lire le bouquin de Christophe Bourseiller sur Castaneda, qui est vraiment excellent. Castaneda, qui est un grand écrivain lui-même, avait fondé une espèce de secte où il disait aux filles que son sperme était magique. Il était totalement psychotique. La fin de vie de Castaneda ressemble à la fin de la vie d’Hitler dans son bunker, quand il était bourré de métamphétamine et de morphine. Les microsociétés utopiques tournent souvent au cauchemar et les gens des sociétés dominantes veulent que ces utopies se cassent la gueule. Par exemple, la CIA, pour faire tomber les Black Panthers, envoyait dans leur rang une super belle black qui les branchait sur des plans coke et ils devenaient tous tox, et ils finissaient par s’entretuer pour elle.
Quelles addictions auraient leur place à bord ?
Surtout sexuelles. Ça occupe les gens, mais bon faut pas que ça les empêche d’aller chercher des fruits dans les arbres. Ce que je veux dire c’est que les addictions ça va très loin. Des types comme Harry Harlow ont fait des expériences sur des singes qui avaient le libre choix entre se nourrir ou se défoncer au free base. Au final, les singes, ils se shootaient à mort avec la fumée de cocaïne et oubliaient de s’alimenter. Même chose pour l’affection, le singe préférait se laisser mourir dans les bras du singe en peluche qui représentait sa mère plutôt que de manger. L’affection est comme une drogue aussi, et en manquer rend fou.
Et pour les filles ?
Alors là, sans hésiter, j’en prends trois : la Sylvia Kristel d’“Emmanuelle”, la Jennifer Connely de “Hot spot”, et l’Elisabeth Berkeley de “Showgirls”.
Et, enfin, si tu devais embarquer des hommes politiques ou des personnages historiques ?
Diderot, c’est définitivement un mec que j’aurais bien aimé rencontrer. Il a eu des dettes sur le dos toute sa vie, il a fait une encyclopédie, il a écrit certains des meilleurs romans qui ont jamais été publiés en France. Un type profondément bon à qui on mettait régulièrement des bâtons dans les roues et qui avait toujours un mécène qui venait le sauver à la dernière seconde. On a l’impression qu’il a vécu l’expérience humaine à plein, tout comme Kenneth Anger dans un autre registre. Bien sûr, je pourrais aussi citer Che Guevara. Chacun fait son chemin, il y a des chemins faussement altruistes et d’autres qui le sont réellement. Il y en a pour qui le bonheur c’est se retrouver en train de dormir entre les seins d’une femme et puis il y en a d’autres qui veulent marquer l’histoire future. Tiens, j’avais oublié : Philip K. Dick et Kubrick seraient des invités d’honneur aussi. Ils auraient leur coin aménagé pour qu’ils puissent travailler sans être dérangés par les bruits et les odeurs des animaux.
Interview : The Peals aka Matthew Bond & Julien Hallard_myspace.com/andthenthepeals
Photographie : Eddie Monsoon
EXTRAIT DEDICATE 11 – Hiver 2007