Lorsque le thème “paroxysme” a été choisi pour ce numéro, l’idée d’interviewer Christelle Kocher s’est imposée d’elle-même. Depuis 2015, la créatrice française propose une marque qui dépasse les genres vestimentaires, passant d’un extrême à l’autre, de la Couture au streetwear. En discutant avec elle, on réalise qu’il faut dépasser cette vision manichéenne. Finalement, le label Koché permet d’explorer nos propres limites et faire tomber nos carcans de pensées. Rencontre.
Ce numéro explore le concept de paroxysme. Qu’est-ce qu’il vous inspire?
Pour moi, c’est une façon de faire, d’habiter les choses différemment. J’aime travailler dans les zones de tensions. Quand j’ai commencé ma marque, je ne voulais pas de compromis ; des pièces bien coupées pensées pour une femme moderne avec un mode de vie actif et contemporain. Je ne voulais pas choisir entre sophistication et confort. J’avais envie de travailler avec ce qu’on assume être différentes catégories de vêtements. Des fois le streetwear est accentué, parfois au contraire c’est le côté plus léché.
On classe souvent votre style comme étant de la street-couture. Êtes-vous à l’aise avec cette définition ?
L’expression ne m’appartient pas, même, si je ne m’y oppose pas. Je définirais mon style comme étant un mélange d’artisanat et d’éléments appartenant à la street-culture.
Comment définissez-vous la femme Koché ?
Je n’imagine pas une cible quand je crée, j’essaie plutôt de créer un vestiaire pour une femme puissante, audacieuse, libre, une femme avec une ouverture d’esprit et des valeurs, une femme engagée… C’est une vision que je défends depuis mon premier défilé.
Votre marque a redéfini ce que l’on attend d’une marque féminine…
J’ai peut-être une approche à l’ancienne contrairement à d’autres jeunes designers qui sont intéressés par l’image. Je suis sportive et passionnée d’histoire et j’essaie d’injecter ça dans ma vision du vêtement, tout en opérant un retour à la sensualité et à l’émotion et en réinterprétant le travail de designers que j’admire. Mais le fait de couper et de travailler en 3D m’aide à travailler de façon moderne et féminine.
Quelle place le concept d’héritage occupe au sein de votre travail ?
L’histoire du vêtement et de la mode est très importante. J’essaie d’y ajouter mon expérience, qui est d’utiliser des techniques précieuses du quotidien. Je travaille avec Lemarié, j’ai travaillé pour Dries (Van Noten), Bottega (Veneta) ou encore Chloé. J’utilise mon savoir- faire et j’essaie de le rendre accessible. Utiliser l’artisanat pour l’adresser au plus grand nombre, c’est aussi une façon de le rendre pertinent à l’heure actuelle. C’est un devoir aussi. Il faut respecter notre héritage et l’utiliser sans le muséifier.
L’idée de luxe a été souvent remise en question dernièrement. Que représente ce mot pour vous ?
J’ai l’impression que le mot est devenu galvaudé. Pour moi, il renvoie à quelque chose d’intègre qui nous est cher, un rappel de fidélité à nos valeurs. Mais c’est vrai que j’utilise peu ce mot. Le terme porte en lui un peu d’archaïsme et d’élitisme.
Derrière cette définition, il y a un rapport fort à l’émotion. Un mot qu’on retrouve de plus en plus dans le lexique de la mode.
Donner un supplément d’âme, et de la poésie à une pièce, c’est ce vers quoi tend ma manière de travailler et de créer. J’ai besoin d’être touchée par les choses et je pense que le public aussi.
Interview: Melody Thomas
Tim Schaap c/o Marilyn Agency
Marta del Caño c/o Oui Management
Photographe Hugo Fazi, Assisté par Rodolphe Buche
Styliste Clotilde Franceschi
Coiffeur Nicolas Philippon
Maquilleur David Lenhard
Archives DEDICATE 37 – Janvier 2019