C’est en voyant les flights au pied du lit que j’ai vraiment compris. Avec les stickers et tout. J’ai jamais rien vu de plus moche. Merde.
Limite ça pue les vieilles clopes, la machine à smoke et la bière cheap. Solides mais hideusement laides. Bourrées à craquer de gros sons et de purs vinyles. Mais hyper encombrantes. Et lourdes, je vais me faire mal au dos à les déplacer. Remarque, avec un peu de chance il voudra même pas que j’y touche, cris d’orfraies, je sais même plus où j’ai pécho cette expression, cris d’orfraies, mais c’est trop classe, on dit plus que ça avec les copines, cris d’orfraies et on hurle comme des putoises pour couvrir la sono. Merde elles auraient pu prévenir.
Un DJ‚ ça fait quoi, deux ou trois jours ça devait être une pure fête. Mais comment j’ai pu me pécho un pousse-disques, remarque il est plutôt pas mal, il dort. T’es où petit cœur ? Si je ferme les yeux, est-ce que je me souviens de la couleur des tiens? Oh la, ça tourne méchant, ouvrez tout, ouvrez les écoutilles, tiens bon la barre, moussaillonne, agrippe-toi, y a de la houle ! Des chaussettes par terre, au moins il ne les a plus sur lui. Tiens, un shorty, pas un string ni un caleçon, je déteste les fashion à 2 balles en kangourou, c’est trop laid, ça me fait trop rire, après ça, faut vraiment avoir envie. Je caresse un mollet, tout doux et ferme. Un marcheur ou un danseur. Normal. Tiens une cicatrice sur le talon, j’ai la même, sauf que la mienne, elle est plus belle, elle fait un V, comme moi, alors que toi, c’est un T et tu t’appelles pas Théodule eh ducon.
A y est tu bouges, je t’ai dérangé, majesté, mon petit prince de la nuit, ma starlette paresseuse. Qu’est-ce qu’il écrase, j’ai faim, je devrais descendre à la boulange ou chez le chinois, oui, une soupe de crevettes avec du soja, c’est trop bon après une teuf, mais bon, l’autre jour en sortant comme ça Nausicaa s’est faite taxer sa DV par un petit lascar de LA, elle croyait quoi aussi. Une attachée de presse volée après une nuit d’amour par le chanteur de R’n’B qu’elle représente! Elle était verte, elle s’en souviendra, remarque. Elle pourrait aussi bien demander à sa maison de disques de rembourser, mais bon ça la foutait mal, d’autant qu’elle trompait son boss! N’empêche, j’ai faim, j’ai des vertiges, si t’étais pas un pousse-disques, tu irais me chercher quelque chose, tu serais galant, et en même temps j’aurais le choix de te laisser dehors ou pas, de t’effacer de ma vie, pouff, avec la baguette magique du sommeil réparateur.
Toc toc toc, dring dring, mais qui êtes-vous je ne vous connais pas, oh un livreur de croissants, miam miam, venez donc partager ma couche ou alors si je ne me souviens même plus de ton visage, alors bye bye, tu peux sonner, machin, sonne, sonne, qu’est-ce que t’es con, barre-toi, t’as rien compris, Mister-Kleenex-Va-Te-Moucher-Le-Sexe.
Mais toi tu dors, ici ça sent la nuit, il fait pas beau ou il est encore trop tôt pour le chinois, non, forcément tout est déjà ouvert quand on se couche avec un DJ. On s’est bien marré mais tu m’as pas dit grand chose, peut-être que tu t’appelles Théodule ou Thierry en vrai. Eh tu t’réveilles ou quoi, j’ai envie, t’es où mon petit viking, ça te fait rien si je touche tes petites fesses rondes ? Merde, tu vas te réveiller, oui. Avec ma chance, je suis tombé sur un DJ homeless, je vais t’avoir sur le dos pendant quelques temps, remarque c’est ma position favorite, tu m’entends, je grignote ton oreille, après on ira se faire une salade, dis? Et tu seras gentil avec moi, hein ?
Texte : bRiFo
Illustration : B. Savignac
Extrait DEDICATE 04 – Automne 2004