Le phénomène n’est pas nouveau : inspirés par une société de surconsommation, peintres, photographes ou illustrateurs se tournent aujourd’hui naturellement vers les produits phare, qui sont devenus à part entière des “icônes” de notre quotidien.
Nike, Adidas ou Sony sont des marques reconnaissables depuis leur création grâce à leur célèbre logo, dont tant d’artistes s’inspirent. De leur côté, les labels font de plus en plus appel à ces artistes dont le monde “graphique” n’est pas si loin du leur. Andy Warhol, le premier, puis viennent d’autres collègues contemporains tels Dave White ou Hélène Builly qui ont créé leur renommée grâce aux enseignes qui leur ont donné leur chance.
Si pour Hamilton le pop art est une culture “populaire, éphémère, jetable, bon marché, produite en masse, spirituelle, sexy, pleine d’astuces, fascinante et qui rapporte gros”, c’est qu’il s’inscrit en plein dans le début de nos sociétés de consommation. Warhol fut le premier à en profiter largement, car c’est bien du côté de la pub que l’on vit s’exercer son opportunisme. D’abord comme illustrateur pour des magazines féminins à la mode (“Vogue”, “Glamour”, “Harpers’ Bazaar”), il se fit ensuite connaître grâce à ses œuvres pour des grands magasins, des pochettes de disque (directeur artistique des Velvet Underground) et ses couvertures de livres à bas prix. Sa technique artistique est simple : pas d’arrière-plan, le produit mis en valeur et de la couleur, beaucoup de couleur. La sérigraphie qu’il utilisa pour Coca Cola ou les soupes Campbell sont l’illustration pure de cette nouvelle société de consommation dans laquelle le client est submergé par les réclames. Warhol l’avait compris le premier, bientôt suivi par son groupe “pop” puis les nouveaux réalistes. Ainsi César, Mathieu et Rosenquist firent eux aussi de leur art un espace publicitaire à la grande joie des annonceurs et de leur propre portefeuille.
Les publicitaires n’hésitent d’ailleurs pas à employer ces artistes pour attirer de plus en plus de consommateurs : Canon, Citroën (qui met en scène le fameux pouce de César), Bon Café, Arte, Euronews, Coca Cola, Levi’s… la liste est longue. Certains protagonistes, qu’ils soient peintre, photographe ou illustrateur, collaborent depuis des années avec de grandes marques.
L’artiste qui détonne particulièrement dans cette entreprise publicitaire est Dave White, de Liverpool. Petit génie, dès sa première exposition, à même pas 18 ans, il vendit toutes ses toiles et fut récompensé par l’award du “meilleur nouveau talent dans l’art visuel”. Ce n’était qu’un début. En gagnant la couverture de la “Revue Créative” en 2003, il s’est attiré l’attention du monde entier et des agences publicitaires. Coca Cola, la BBC, Rocafella Records et Nike devinrent ses mécènes. Et le show commence. Son talent et son charisme sont exploités à travers des performances qui rassemblent des milliers de personnes de la Chine à l’Espagne en passant par les Etats-Unis. Ainsi, pour Nike, il réalise plusieurs toiles à Barcelone et Pékin devant un parterre d’admirateurs. Il collabore aussi pour le nouveau Cherry Coke avec des chanteurs de renommée internationale tels Jay Z, P. Diddy ou Wyclef. Ses huiles sur toile de 90 cm sur 80 cm, rappellent l’époque du pop art. Le produit est centralisé, peint avec un souci de perfection inégalable sur un fond criant avec quelques taches du style Pollock. Le fait que nombre d’entre elles furent peintes en direct donne encore une nouvelle dimension au produit. La démarche est en effet différente dans le sens où ce n’est pas la pub ou le produit qui va vers le consommateur mais le contraire. Et ça marche !
Dave White s’est aujourd’hui lancé dans la mode en créant sa propre marque : de nombreuses personnes ont acheté ses T-shirts, casquettes ou papiers peints avant même d’avoir vu le catalogue.
Les humanistes s’inspiraient d’un quotidien ultraréaliste à travers leurs portraits ou paysages et, finalement, les nouveaux artistes font de même en puisant leur imagination dans la société actuelle, celle dans laquelle le produit est au centre de notre paysage visuel, un produit devenu culte pour nombre d’entre nous.
Texte : Jeanne Lepine
Peinture : Dave White
EXTRAIT DEDICATE 13 – Eté 2007