C’est à l’occasion du 30ème Festival International de Mode et de Photographie de Hyères à la Villa Noailles, un véritable tremplin de la création émergente dans ces domaines, que nous avons choisi de vous présenter le travail du jeune lauréat du prix spécial “M Le Monde”, le photographe indien Sushant Chhabria.
Celui-ci a accepté de se prêter au jeu d’une courte interview.
Pouvez-vous nous parler du travail que vous avez exposé au festival de Hyères ?
In loving memory est une série de portraits miniatures construite sur le recyclage des clichés de personnes décédées. J’ai utilisé les traits du visage des morts, comme les yeux, le nez, les lèvres, les cheveux même les vêtements pour les réincarner ou même donner naissance à de nouveaux êtres qui peuvent ou pas exister dans ce monde. J’ai également ajouté une image réelle de mon incarnation actuelle avec ces êtres réincarnés comme je crois être parti du même processus dans la vie.
Comment situez-vous votre approche du médium photographique et de son utilisation ?J’utilise un appareil, mais je ne me vois pas comme un photographe. J’aime penser la caméra comme un de mes dix doigts, je peux produire de belles choses avec seulement 9 doigts. J’ai peint pendant quelques années, mais quand ils ont mis des caméras sur les portables j’ai réalisé qu’avec une caméra c’était beaucoup plus pratique. Comme je le disais, je peux produire de l’art avec 9 doigts mais si j’en ai 10, je veux les utiliser tous.
Quelle est la relation que vous avez entre le monde de la mode et votre pratique artistique ?
Je fais des vêtements pour moi-même depuis un très jeune âge. J’ai commencé des études en design de mode, mais après un mois j’ai réalisé que j’aimais faire des vêtements seulement pour moi-même et non pour les autres. Si vous voyez tous les êtres réincarnés dans ma série que j’appelle les Voyageurs, ils sont tous bien habillés. C’est quelque chose qui je crois, me vient naturellement, je ne dois pas le forcer, c’est inévitable. Je ne pense pas que le contenu soit la seule chose importante, l’emballage l’est également. Comme un œuvre de Marcel Duchamp enveloppée dans un papier d’ emballage cadeau Henri Matisse.
Pourquoi le nom des Voyageurs ?
Mon système de croyance personnel est compatible avec l’ancienne idée de la réincarnation. Je crois que l’âme se déplace d’une incarnation à l’autre. Voyageurs est un nom moderne pour des termes religieux tels que âme/esprit. Je ne veux pas utiliser ces termes dans mon travail car ils ne semblent plus avoir de sens dans la société moderne.
D’où vient votre inspiration?
Mon inspiration vient de mes propres croyances en ce monde. Je suis très fasciné par l’idée de ne pas savoir, il n’y a aucun moyen pour connaître la vérité ultime de la vie. Cette “cluelessness” me conforte pour parler, croire et vivre ma vie avec mes propres vues.
Quels messages souhaitez-vous nous livrer à travers vos œuvres ?
Je crois que la positivité et l’amour sont deux qualités essentielles que chaque être humain doit tendre à atteindre. Vous pouvez passer toute votre vie à penser à toutes les souffrances et habiter dans la négativité ou choisir de les ignorer en considérant la vie comme une aire de jeux. Toutes les choses passent et reviennent à nouveau, du coup, tous vos doutes, la haine, la jalousie, la peur, les jugements sont une perte de temps totale. Si vous êtes un être humain vous êtes chanceux, être incarné en oiseau pourrait sembler souhaitable, mais plus quand vous pensez à la lutte pour la nourriture, l’eau et l’abri.
Le thème de ce numéro est l’Amour.Comment cela pourrait-il être reflété dans votre travail ?Je pense que quiconque a lu cette interview avec attention va sentir ce qui y est exposé et j’espère que c’est un sentiment positif.
Pouvez-vous nous parler de vos projets présents et futurs ?
Je travaille actuellement sur un livre pour ma série In loving memory of, j’ai aussi un nouveau projet appelé Mouth Sculptures. C’est sur la confusion qui survient quand arrive le moment de la prise de décisions.
Interview Christophe Ménager Images courtesy Sushant Chhabria
Archives DEDICATE 33 – P/E 2015