Quand on parle disco, on pense aux fantaisies électroniques qui ont fait les beaux jours de l’Italo Disco des années 80. En creusant un peu, on tombe sur un son underground, plus profond et plus authentique : l’Afro-Sound, plus communément appelé Cosmic Disco.
La Cosmic est créée à la fin des années 70 par Daniele Baldelli, Claudio Rispolli, Beppe Loda et Ruben. Ce son ferme le clapet aux fioritures mélodiques inutiles et faciles de l’Italo Disco. Il mélange des expérimentations de Krautrock, des percussions afro-pop, brésiliennes et des musiques afro-américaines, soul, funk et disco. C’est un style de deejaying hors-normes, une révolution musicale.
En 1977, toute la jeunesse branchée sort dans le prestigieux club italien, “Baia degli Angeli” de Gabisce. Les Dj New-yorkais Bob Day &Tom Season, qui ont amené avec eux les techniques de mix modernes (mixette, feutrines, beatmixing, seguing…), repèrent rapidement Daniele Baldelli et Claudio Rispolli pour leurs goûts éclectiques et les invitent à jouer.
Passionnés de musiques, ils font partie des rares DJ de leur pays à avoir su se constituer une collection impressionnante de vinyles US. Aux platines du club, imbibés des techniques de mix, ils expérimentent. Les classiques funk et disco sont toujours de la partie, mais Baldelli aime placer des morceaux plus calmes et plus électroniques en fin de soirée. Ce sont les prémisses du nouveau son.
Après la fermeture du Baia, Baldelli est nommé Dj officiel de la discothèque Cosmic, un nouveau club à la déco rétro-futuriste près de Lazise, au nord de l’Italie. De 1979 à 1984, Baldelli y joue quasiment tous les soirs. Il y forge un son original lié à son goût pour la musique et à son ouverture d’esprit.
Il change le tempo des disques, utilise des synthétiseurs et des équaliseurs. Le résultat est fait d’interminables envolées spatiales couplées à des percus et des synthés pour un son “emotionally full-on”. Le public, conquis, balance les bras et le corps tels des oursons déglingués égarés en plein désert.
Le genre explose. Les années de gloire du mouvement vont de 1978 à 1984. L’Italie n’est plus le seul pays à danser au ralenti, l’attaque cosmique gagne du terrain en Autriche, Suisse et Allemagne. Les fans d’Afro-Sound s’habillent tous de la même manière : jean-t-shirt. Ceux qui ne peuvent pas se payer l’entrée des clubs se rassemblent sur le parking et font claquer des mixtapes galactiques dans leurs auto-radios. Grâce à ces mixtapes, ce mouvement a su garder son intégrité underground.
Paradoxalement, le mouvement prend de l’ampleur et va s’exporter à l’Est. L’Allemand Stefan Egger tombe amoureux de cette musique et se met à organiser les énormes “Cosmic Weekenders”.
1989, on retrouve Corrado, TBC, Yano, Beppe Loda, Baldelli et Mozart dans des usines en banlieue de Munich. Le mouvement évolue. Il est rebaptisé “Balearic disco” au début des années 90.
Aujourd’hui, Lovefingers et Beatsinspace sont les représentants contemporains du mouvement aux Etats-Unis. Passionnés de Cosmic, de Modern Disco, et surtout de lenteur cérébrale, ils organisent des événements, et participent à la promotion du mouvement en offrant des mix de plusieurs afficionados.
Les parisiens du Dirty Sound System et Tigersushi ont sorti “Dirty Space Disco”, sur laquelle sont explorées les lueurs et les reflets de John Ford, Conrad Schnitzler, Roedelius ou autres édits du fameux Parisien Pilooski.
Benjamin Vidal, Cosmo Vitelli, Alexis Le Tan ou encore Joakim n’hésitent pas à jouer des morceaux étincelants d’Arpadys, Carly Simon, Clive Steven & Brainchild ou encore d’illustrations sonores “Bruton Library”.
Plus de 20 ans ! C’est le temps qu’il aura fallu pour que la réflexion
cosmique nous éclaire enfin.
Texte : Pierre Bourgoin
EXTRAIT DEDICATE 15 – Hiver 2008