Fondée en 1944 par Carmen Tommaso, la maison Carven en état de convalescence depuis son rachat par le groupe SCM, semble avoir retrouvé une nouvelle jeunesse. Nommé directeur artistique en 2009, Guillaume Henry souffler un vent de fraîcheur démocratique sur les collections de prêt-à-porter.
[/vc_column_text][vc_single_image image= »13465″ img_link_target= »_self » img_size= »large »][/vc_column][/vc_row][vc_row el_position= »last »][vc_column width= »1/1″][vc_column_text el_position= »first last »]Vous avez fait les Beaux-Arts, l’École Supérieure d’Arts Appliqués Duperré, l’IFM ; le parcours parfait semble-t-il… Cet enseignement vous a-t-il été bénéfique ou vous considérez-vous comme un autodidacte ?
Je ne me considère pas comme un autodidacte, mais le goût pour les vêtements est inné. On peut être doué sans avoir suivi de cours… Cet enseignement m’a été bénéfique car il m’a appris à reconnaître ce que j’aime vraiment, à associer les choses, à avoir des références, à faire des erreurs aussi… Mais ça je continue à en faire… Dans ce métier on n’en finit pas d’apprendre.
Vous avez ensuite travaillé dans les studios de Givenchy et de Paule Ka…
Comme tous ceux qui commencent, j’ai d’abord été celui qui ramasse les épingles. Mais je le faisais avec application… C’est peut-être pour ça que l’on m’a confié des responsabilités. J’ai commencé en dessinant les maillots chez Givenchy, puis j’ai travaillé aux côtés de Ricardo Tisci et plus tard avec Serge Caffinger chez Paule Ka.
Quelles leçons avez-vous retenues ?
Qu’il faille rester ce que l’on aime, et toujours privilégier la qualité.
Vous avez lancé votre ligne en 2001, une expérience qui n’a duré que trois saisons. Que vous a-t-il manqué ?
Trop jeune, trop inconscient, mais sacrément motivé ! Je ne le ferais plus pareil. Je pensais à l’époque qu’une veste c’était un dessin… C’est plus tard que j’ai compris que c’était un tissu, une doublure, un zip, des thermos… Et autant de gens pour s’approvisionner… Sans parler des techniciens pour penser et monter les modèles, le bureau de presse, l’agent commercial, tout un monde à convaincre, j’étais épuisé. Mais heureux, j’ai gagné 10 ans…
Vous avez ensuite été « recruté » en tant que directeur artistique de la maison Carven
C’est un sublime projet d’autant que j’ai toujours été personnellement sensible à l’imagerie Carven. C’est un nom qui m’a toujours plu sans me faire peur… Il y a certaines maisons que je peux trouver trop impressionnantes mais, chez Carven, il y a quelque chose d’humain, d’honnête et d’authentique. C’est ainsi que nous avons travaillé sur notre première collection, avec cette notion d’accessibilité, dans le style et dans le prix…
Comment relance-t-on une « belle endormie » ? En se plongeant dans les archives ou en se démarquant ?
J’ai regardé les archives, mais sans m’y attarder. L’idée c’était de renouer avec l’esprit de la marque plus qu’avec des vêtements venus du passé… Carven c’est avant tout la fraîcheur, la légèreté… Une certaine forme de spontanéité.
N’aviez-vous pas quelques appréhensions face à ce défi de taille ?
Nous avons travaillé dans le plaisir, en s’efforçant d’oublier la pression. Personne n’attendait Carven, il fallait revenir au désir…
Quelle serait votre définition du luxe aujourd’hui ?
Le luxe d’aujourd’hui c’est le luxe d’hier… Il reste immuable. Ce n’est pas forcément une histoire d’argent et surtout c’est très personnel. C’est le temps, le goût, la qualité… Aucun compromis.
À observer le fourmillement de marques de mode, comment se démarque-t-on de ses concurrents ?
La mode est saturée de propositions, aussi bien dans la branche « laboratoire », la branche « luxe » que dans la branche « distribution »… Exister aujourd’hui c’est, je crois, valoriser la différence, être accessible avec style par exemple. C’est le défi que nous nous sommes fixés.
Ne pensez-vous pas que le patrimoine historique d’une marque et la tradition — semble-t-il aujourd’hui « indispensable » à la relance et la durée de vie d’une marque — soit un frein pour la jeune création ?
Je ne crois pas que, quoique ce soit puisse être un frein à la jeune création… À part, peut-être la tyrannie de l’argent. Exister dans le milieu de la mode aujourd’hui quand on est un jeune créateur c’est un peu David contre Goliath… Alors il faut faire preuve de malice. Je pars de l’idée que la mode est avant tout une économie, un commerce. Aujourd’hui on ne peut exister qu’en rencontrant une clientèle. Parfois, peut-être, la création se fige un peu dans les concepts, dans ce cas il est vrai, la survie est périlleuse…
Pensez-vous que la presse joue encore un rôle précurseur dans la promotion de jeunes talents ?
La presse est un soutien majeur, et je suis convaincu que les journalistes qui aiment sont des journalistes qui soutiennent. Bien sûr, on vit une époque de dictature promotionnelle, mais l’envie est là.
Que pensez-vous d’une certaine presse féminine que l’on dit « corrompue » par les annonceurs ?
Je refuse de penser que la presse de mode puisse un jour se transformer en catalogue publicitaire. Surtout que de plus en plus de magazines indépendants, militants, créatifs voient le jour. Et il y a les blogs aussi, qui sont les garde-fous des médias traditionnels.
Aimez-vous l’époque dans laquelle vous vivez ?
J’aime mon époque, parce que je suis curieux et qu’elle est compliquée.
Etes-vous plutôt passéiste ou pro-moderniste ?
Je suis les deux… Je me nourris du passé, largement pour avancer… Un jour j’ai lu « pour avancer il faut oublier ce que tu as appris »… Alors d’abord, il faut apprendre, se cultiver puis regarder en arrière. C’est seulement après, je crois, que l’on peut envisager l’avenir.
Comment voyez-vous l’avenir, dans dix ans ?
Dans dix ans, j’espère toujours prendre autant de plaisir !
Interview : Marlene Van De Casteele
Photographe Sol Sanchez assistée d’Hanna Bluethman, Réalisation Yoko Miyake assistée de Farrah Hammadou et Sarah Attaloui, Coiffure Deki Kazue, Maquillage Morgane Martini ℅ Artlist, Modèles Suzie Tupper ℅ Viva. Remerciements Studio Le petit oiseau va sortir.
EXTRAIT DEDICATE 23 – Printemps/Été 2010
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