Aux incultes de l’ivresse musicale lisboète que ces derniers transmettent en «live» diablement, il ne s’agit pas là d’une histoire de fromage italien mœlleux mais bien d’un son mordant.
Challengers du meilleur qu’ils nous transmettent à nous, Public, Buraka sont de ceux qui ne sauraient se résoudre à marketer leur musique pour décupler l’audience mais bien les sens, livrée «pur jus». Car dépoussiérer ce trop plein d’influences musicales venu de toutes parts et qui migre insidieusement vers notre subconscient n’est pas chose aisée, n’en déplaise à certains. Pari réussi dans un dernier «Komba» de maîtres.
Après une tournée de 3 ans pour promouvoir votre album ‘Black Diamond’, ‘Komba’ semble traduire une évolution naturelle. Comment définiriez-vous votre musique actuellement ?
Joao : Nous avons à l’évidence fait énormément de scènes ces derniers temps et il était impossible d’y retranscrire «Black Diamond» sans apporter quelques changements notamment l’ajout de percussions, claviers, etc… En adaptant notre son au «live» nous lui avons donné une nouvelle vie. À dire vrai, je n’ai jamais réellement écouté l’album et je ne sais même plus comment sonne l’original. Donc bien que ce ne soit ni conscient, ni prédéterminé et que tout continue à être créé sur ordinateur, «Komba» retranscrit davantage notre format «live». C’est tout simplement la conséquence d’avoir été 3 ans sur les routes. Il en découle un album plus personnel, plus profond où nous avons extrait davantage de chacun.
Le nom de votre album «Komba» est un rituel religieux Angolais qui célèbre le défunt sept jours après sa mort en chantant et dansant. N’est-ce pas ironique que la plus belle soirée de votre vie se déroule après votre mort ? Est-ce comme une fête des zombies ?
Kalaf : (Rires) Nous sommes fascinés par cet environnement, le vaudou, toutes ces coutumes et rituels religieux africains.
À l’origine pour créer cet album, nous nous sommes enfermés dans une maison au Portugal où nous avons écrit et composé ensemble tous les morceaux aux paroles assez sombres. Chacun de nous souhaitait instinctivement créer une sorte de rituel célébrant l’existence et à ce même moment l’intégralité de l’album a été conçu, traduisant notre vision des choses. Nous voulions éviter la rétrospective emplie de regrets au moment ultime, face à la mort et ne rien omettre aujourd’hui de ce que nous aimerions expérimenter, donner et dire à travers notre musique. Célébrer notre existence et inviter les gens autour de nous à faire de même en vivant pleinement l’instant comme si c’était le dernier.
Komba’ est un album qui réunit, rassemble. Toutes les chansons ont été écrites en 11 mois à peine. Pouvez-vous expliquer ce qui vous a mené à cet album, votre processus de création ?
Joao : Nous ressentions le besoin de créer un nouvel album, faire de la musique ce qui était plutôt compliqué puisque nous étions constamment en tournée. Et lorsque nous ne l’étions pas, nous étions tellement saoulés les uns des autres, avec un besoin irrépressible et naturel lorsque l’on passe 24h/24 ensemble, de ne plus se voir. Le démarrage a donc pris du temps, trois ans où lorsque nous n’étions pas sur les routes nous n’avions plus ni le courage ni le goût pour cette démarche créative consistant à aller enregistrer en studio. Nous avons donc loué une maison durant un mois loin de tout, sans téléphone, et nous y avons amené toutes nos affaires pour y créer un studio. Nous nous sommes alors amusés à faire de la musique, créer des «beats», durant quatre semaines. C’est le point de départ de tout, du nom de l’album à l’idée générale, nos intentions musicales, etc… Puis nous avons fait des sessions, une session au Red Bull Studio à Londres durant une semaine, plusieurs sessions en studio à Lisbonne Je suis allé 2 mois à L.A où j’ai enregistré des voix et travaillé sur des «beats», nous avons tous apporté notre pièce à l’édifice global.
Kalaf : La plus belle chose avec cet album est que nous ayons créé quasiment son intégralité ensemble dans une même pièce. Lorsque nous avons travaillé avec Afrikan Boy à Londres, nous savions exactement ce que nous souhaitions lui demander, quel concept, quelle histoire à raconter en rapport avec le vaudou et le mysticisme car nous étions concentrés et raccords sur la globalité.
C’est ainsi que vous avez choisi vos invités comme Roses Gabor (We Stay Up All Night), Terry Lynn and Sara Tavares (Voodoo Love) ?
Joao : Exactement. Pour «Black Diamond» ce fût différent, nos collaborations se sont faites au hasard des rencontres durant nos tournées, comme M.I.A à Londres, car nous n’avions pas encore à l’idée d’enregistrer un album.
Sur cet album nous savions avec qui nous voulions travailler, sans parler de grands noms mais davantage d’artistes qui correspondaient à nos attentes, nos besoins en matière de musique. Nous les avons donc approchés en sachant exactement ce que nous attendions de leur travail. Ce n’était pas un hasard.
Peut-on dire que cet album est moins spontané ?
Kalaf : Définitivement. Nous avons élaboré une sorte de script.
Joao : Oui ! C’est comme faire un film, il faut un scénario, savoir ce que l’on veut, où l’on veut aller, nous avions ce concept «Komba», ce n’était absolument pas spontané même si nous n’avons forcé personne à y participer. L’idée de cet album a plu mais ce n’était pas ouvert à tout. Enfin il est évident que ça l’est toujours mais nous avions déjà l’idée et les chansons largement développées lorsque nous sommes allés chercher nos invités.
’Komba’ sonne comme un album prêt à faire danser des milliers de personnes dans les clubs et festivals autour du monde. Quelle est l’importance de la performance «live» dans votre travail ?
Kalaf : Le «live» est la partie fun. C’est un autre processus. Dès que nous avons terminé l’album, nous avons commencé cette nouvelle vie en contact avec le public et c’était surprenant. Certaines chansons que nous pensions nous être réservées étaient particulièrement bien reçues par le public. À Barcelone ce fût le cas de la chanson «Candonga» que nous trouvions si lisboète et que le public a repris en chœur. Une tournée est imprévisible et c’est ce qui la rend si excitante.
Joao : Nous sommes meilleurs que nous ne l’avons jamais été, car après un E.P et deux albums, nous avons finalement assez de chansons pour créer une excellente setlist et nous exprimer sincèrement en «live». Aujourd’hui, chaque minute d’un show est essentielle. Jusqu’à présent nous n’avions pas développé notre personnalité, défini qui nous étions en temps que groupe avant de monter sur scène. Maintenant après l’enregistrement d’albums, les interviews, et les tournées, c’est chose faite.
Kalaf : On reste malgré tout très spontanés. Tout est très organique. On essaye de coller à l’audience en déclinant nos morceaux avec différents arrangements. Moins il y a de vide et plus près du public nous sommes ! C’est pourquoi nous pourrions jouer l’intégralité d’un show sans coupure.
Joao : La spontanéité vient également des émotions que suscitent en nous ces morceaux. Lorsque tu te sens bien en jouant, tu ne peux que transmettre quelque chose d’authentique, de vrai. Ce qui revient principalement lorsque l’on parle à notre public est : « c’est bon de vous voir vous amuser sur scène les gars.» Il y a tellement de groupes qui semblent si tendus, si prévisibles. Nos performances sont surprenantes parce qu’on s’éclate ! Bien évidemment, après 2 ans à jouer le même album, il était temps d’en faire un nouveau.
Pourriez-vous nous donner une de vos sélections secrètes d’artistes d’ici et d’ailleurs ?
From LISBON : Diamond Bass _ Lwanda
From ANGOLA : DJ Znobia _ Me Bate
From NIGERIA : KAS _ Whine for me
From VENEZUELA : Pacheko & Pocz _ Tuki Love
Que puis-je vous souhaitez ?
Kalaf : De voyager en première classe !
Si j’étais Buraka Som Sistema, quelle question me poseriez-vous ?
Joao : Je connais tout de vous ! «I’m your number one FAN !!!»
Interview : Jessica Segan
Photographie : Chloé Bonnie More
EXTRAIT DEDICATE 28 – Printemps/Été 2012