Tu ne le sais pas, mais je t’ai attendu. Tellement espéré là-haut dans cette chambre 666, dans ma tour d’ivoire sans défense. Je t’imaginais là derrière ma porte à m’épier, à m’attendre. Mais était-ce un fantasme ou la réalité ?
Je sentais pourtant si proches ton souffle profond et les battements de ton cœur exténué de notre impossible amour, de notre incompatibilité psychique. Alors depuis un mois tu es sorti de moi. Tu es sorti de nous. Tu es dehors, tu tournes désormais en plans extérieurs. De tournantes frénétiques en fuck body anonyme. Tu es devenu mon ex.
100 triques dans la forteresse qu’est la boîte noire de nos mémoires. Le meilleur coup de reins, de colt, de ma vie. Mon meilleur partenaire de crimes d’amour, ma plus intime âme sœur désormais orpheline. J’ère seul alors avec ma solitude, ma nouvelle maîtresse ès SM. Elle m’injecte tour à tour de la haine, puis de la nostalgie. Mais où dors-tu ? Sur un matelas de fortune foutreux, dans une chambre clinique ? Dans les bras d’un autre ? Les miens sont suspendus au-dessus de ton vide, alors je m’onanise encore et toujours sur toi, mais seul amant dans mes pensées indicibles, celles que tu es pourtant l’unique à connaître par cœur ciblé, criblé. Je me repasse sans cesse les polaroïds jaunis de notre passion consumée à l’extrême, comme un vieux film en super 8 sur lequel je trackliste nos morceaux fétiches, et qui m’arrache le cœur en lambeaux à chaque fois que j’effleure la touche play de mon iPod. Comme un purgatoire. Il me faut essayer d’oublier ces heures de fusion corporelle absolue, de jouissances éternelles. Lorsque nous n’étions plus qu’un seulement. La première fois cet après-midi de septembre en 5 à 7, fusion instant damné, en instantané de deux corps en fièvre. Tu ne m’avais pas donné toutes tes lèvres. “J’aurai ta bouche !”, t’avais-je lancé tellement déjà sûr de moi, de mes émois…
Désormais tu as mis le désordre dans ma boîte à aimer. Je dois me faire une descente dans ton enfer, à flirter avec la résignation : pervers effets secondaires d’une overdose d’X-t(r)a lucidité face à l’absurdité de notre relation. Enfin ça va un peu mieux à gober des sushis depuis dimanche dernier, entrecoupés de barrettes… de l’ex aux 1000 souvenirs pas encore anesthésiés dans le temple de mes mémoires sécrètes…
M’occuper à courir dans le paraître urbain pour ne pas trop penser, me réhabituer à la solitude souveraine, ma partenaire intermittente du peep-show qu’est ma vie : coincée entre deux installations de Matthew Barney, clipée par Chris Cuningham et shootée en one man show off obsessionnel par Steven Klein ! Cicatriser après quatorze mois d’un tournage é-prouvant l’amour impossible. Rôle cliché de dé-composition de nympho man à la beauté du diable qui aurait trop joué avec sa queue… Je suis en pleine post-prod de cicatrisation. Il s’agit maintenant de panser… De penser à passer… au montage de toutes les meilleures prises… de gueule et de Q et au mixage des voix off qui viennent m’empêcher de dormir, qui me parlent sans cesse dans la tête, parfois sous la forme d’une mélodie d’insultes jouissives ; puis préparer un plan psy-médias pour mettre bien en avant les scènes de Q évidemment plus vendeuses pour la promotion des nos émotions.
Reste à trouver le titre définitif de l’œuvre. “6K.Trixx” ? “À Je/Nous”? Quant à la BOF, j’ai pensé à ces quelques traxxx : “Je t’aime moi non plus” par Gainsbourg et Jane B, “Personnal Jesus” par Marilyn Manson, “My sweet prince” par Brian Molko, “Sexe” par Saez, “Vanishing act” par Lou Reed, “Inside” par Bang Gang, “Play dead” par Björk, “Behind the wheel” par DM, “Licht” par Ellen Allien, “ Milkshake” par Kélis, “Paradise not for me” par Madonna, “Sin” par Nine Inch Nails, “Consume” par Plastikman, “Untitled 5 ()” par Sigur Ros, “Disintegration” par The Cure, “Traces” par The Hacker… Alors tu as quelques éléments pour audiovisualiser un peu mieux l’esthétique émotionnelle de notre road movie en sens interdit, avant sa sortie en salle d’embarquement vers de nouveaux rôles de re-composition. J’ignore encore quelle compagnie je vais prendre… Dans tous les cas plus aérienne et plus secure, c’est sûr ! Pour ne plus voler au dessus d’un nid de coke-Q !
Texte : Cyril Xavier Napolitano
Illustration : Rezo-Zero
Published : Printemps 2005 – Dedicate 05