Glenn Martens s’est prêté pour nous au jeu de questions/réponses dans son atelier du 11ème arrondissement qui surplombe les toits parisiens. Toujours un sourire au bord des lèvres, il nous a parlé de son rôle en tant que directeur artistique pour Y/Project et promis, il n’a pas fait le con. Rencontre.
Présentation en quelques mots.
Glenn Martens, belge, flamand brugeois. Qui habite à Paris depuis 6 ans. Je suis le directeur artistique d’Y/Project.
Peux-tu présenter ton travail sur Y/Project ?
Je suis le directeur artistique de la marque depuis 1 an et demi soit trois saisons. J’ai repris la marque après le décès de l’ancien DA et simultanément lancé la ligne femme. Après une transition plutôt douce, on essaie vraiment de mettre l’accent sur ce que la marque veut représenter depuis la dernière saison.
Pourquoi avoir accepté de devenir le directeur artistique de la marque ?
Quand on m’a proposé le poste de DA, Y/Project se trouvait dans un univers bien différent. Historiquement c’était une marque pour homme, plutôt dark, avec beaucoup de cuir. L’idée de tout revisiter, d’y ajouter de la femme… faire renaitre la marque, était un immense challenge! En perspective je constate que dans toute ma vie je me ballade d’extrême en extrême. Je crois que tout ce qui m’était proposé était juste trop excitant pour ne pas me jeter dessus.
La mode masculine attise de plus en plus les curiosités. Pourquoi selon toi ?
L’homme se libère enfin des codes bien définis. Je suis le premier à m’habiller plutôt “basic”, mais on commence quand-même à accepter l’expérimentation (toujours bien contrôlée).C’est cette barrière très subtile qui fait que c’est tellement excitant de dessiner pour l’homme.
Qui est l’homme Y/Project ?
La marque est entièrement basée sur une dualité constante. Moi-même je viens d’une famille très opposée. Du côté de ma mère on vient de plusieurs générations de colonels et généraux dans l’armée Belge. Du côté de mon père c’est plutôt “artiste”. J’adore le clinch. La base de l ́homme Y/Project reste bien dans le jus historique de la marque. C’est un vrai mec, “a rough guy”. J ́y ai ajouté une absurdité, un jeu de codes et de sexualité… à la fin tout se trouve dans l’attitude, on peut être ce qu’on veut dans nos vêtements.
Comment décrirais-tu la nouvelle identité d’Y/ Project ?
Je crois que ça part vraiment d’une dualité, déjà parce que de base l’homme est très masculin et la femme ajoutée est très féminine mais aussi très “rough”. On joue constamment sur cette dualité des sexes, beaucoup de pièces masculines sont adaptées pour la femme et puis dualité aussi dans le concept du vêtement, sur la coupe, même quand c’est construit il y a toujours des volumes, des petits conforts et puis dualité sur l’image car le vêtement peut s’adapter à la personne.
Tu fais aussi du consulting pour d’autres marques. Qu’est-ce qui te plait dans cette activité ?
Cela me repose. Depuis quelques années je vais toutes les deux semaines pour deux jours en Allemagne. Mon client est basé au milieu de la Forêt Noire. Ce changement d’univers est juste idéal pour reposer mon cerveau… Ce dépaysement me nourrit, me donne des idées aussi bien pour Y/Project que pour mes autres clients.
Qu’est-ce qui te change par rapport à ce que tu fais via Y/Project ?
C’est totalement un autre calibre. Pour la boite allemande un modèle “best-seller” dépasse plusieurs milliers de pièces. D’office la réflexion créative est complètement différente…
Je dessine un produit “easy”, pour une clientèle beaucoup plus large. J’adore cette approche, c’est rafraichissant. Je crois vraiment que dans toutes leurs diversités, l’un nourrit l’autre.
Un mentor ?
Je n’ai pas vraiment de mentor mais je respecte énormément les gens qui réussissent dans leur domaine avec honnêteté. Par contre, notamment quand je fais la femme, j’ai souvent une obsession sur des figures historiques, la dernière c’était Elizabeth Siddal, muse préraphaélite.
Que fais-tu quand tu te retrouves seul ?
Je ne suis jamais seul (rires). La plupart du temps quand je suis seul c’est le moment d’aller dormir et je regarde un film. Je voyage beaucoup et je suis souvent en vadrouille pour le boulot, donc les moments où je suis à Paris c’est pour passer du temps avec mes amis.
Dernier film vu ? Prochain film ?
The Devils de Ken Russell sur les sorcières de Loudun et bientôt La Grande Bellezza, un film de Paolo Sorentino qui apparemment donne automatiquement envie d’aller à Rome.
Ton juron préféré ?
Shit. (rires)
La musique qui te fait danser ?
Pendant un moment c’était Kendrick Lamar, je dansais tout seul en faisant la vaisselle.
La qualité que tu préfères chez les autres ?
L’honnêteté car je n’aime pas trop calculer. Je suis très direct et je trouve qu’être honnête c’est tellement plus facile.
La plus belle langue pour parler d’amour ?
Le flamand, la plupart des gens trouvent ça affreux mais moi j’ai plus de facilité à parler d’amour dans cette langue.(rires) Mais sinon je dirais l’italien, c’est très beau.
La ville idéale pour vivre ou pour voyager ?
Pour moi la ville idéale est vivante et proche de la mer, avec un port, donc ce serait Marseille, L.A ou Tel-Aviv , trois endroits où je m’imagine très bien vivre. Et pour visiter, je vais à Venise pour la Biennale, et ça ne me fait jamais chier.
Objets fétiches ou rituels ?
Je crois que c’est la clope et le café le matin et le vin avant de dormir pour les rituels. (rires) Et en objets fétiches toujours un truc sur la tête, capuche ou casquette, je ne sais pas pourquoi. J’aime aussi beaucoup les bijoux qui ont une histoire.
Fêtard, casanier ou mondain ?
Je ne suis pas mondain du tout sauf pour la Fashion Week ou quelques vernissages. Sinon je préfère être avec mes amis, pour la fête ou des petits restos.
Dernière expo ?
Janvier, février et mars c’était un peu dense donc je ne suis pas beaucoup sorti. La prochaine par contre ce sera Gaultier car j’ai travaillé pour lui et puis au Petit Palais, les bas-fonds du baroque.
Tu as la main verte ?
J’ai un mur de plantes mais depuis que j’habite là ça ne pousse pas très bien. (rires)
Le luxe ultime ?
Être marié et des enfants et un bon boulot ? J’ai déjà les potes et le travail, donc je n’ai pas à me plaindre!
Ton dernier voyage ?
Lisbonne. Seul voyage de vacances que j’ai fait cette année. J’ai des potes qui habitent là-bas et on a fait une réunion entre belges.
Groupe ou musicien important pour toi en grandissant ?
Lamb, groupe de trip-hop qui est toujours sur mon i-tunes.
Meilleur conseil qu’on t’a donné ?
Mon grand-père finit toujours par me dire “Fais pas le con !” à chaque fois que je l’ai au téléphone.
Ton geste le plus romantique ?
Pique-nique romantique à Pierrefonds pour voir le château de nuit, qui n’est pas illuminé. (rires)
Ton réseau social préféré ?
Je ne suis pas très au courant de ce qui se fait mais je suis très Instagram.
On peut te souhaiter quoi pour la suite ?
Grandir, on est une équipe hyper jeune et motivée.
Interview Melody Thomas. Portrait Jerome Lobato.
Photographie Mode Magdalena Lawniczak.
Stylisme & réalisation Francesca Parise.
Assistants styliste Judith Levanthal & Songyeong Lee.
Make up Eva Ronçay.
Hair Miha Oshima.
Mannequins Serena Amirante c/o Women & Mathieu Perais c/o Sucess.
Archives DEDICATE 33 – P/E 2015