2007, les choses sont claires : nous sommes en train détruire notre planète ! Greenpeace, Gandhi, Nicolas Hulot, l’ont assez scandé, impossible de l’occulter, nous allons vers le chaos. Pourtant, notre société nous impose l’individualisme, le capitalisme à tout prix. Tout pousse à la surconsommation et le paraître devient une priorité absolue. Seule tache sombre dans le monde du plastique : les punks ! Sales, moches, ils sont vulgaires, dérangent dans cet univers aseptisé et nous polluent avec leur vacarme assourdissant qu’ils appellent musique. Et pourtant…
1976, c’est la crise. Terminée la période dorée de la reconstruction de l’après-guerre. Il y a dix ans que les hippies ont libéré les femmes, condamné le système capitaliste, prôné un message d’amour et un retour vers la nature et la spiritualité. Et qu’en est-il aujourd’hui ? Ils font fortune dans les hit-parades, se sont tournés vers la disco et dirigent les multinationales. Fuck ! Il est temps de réagir ! Des sales mômes se massacrent les cheveux, récupèrent des haillons qu’ils achèvent à coups de cutter, d’eau de Javel, de clous, d’écussons, poussent les amplis à saturation et braillent leur ras-le-bol sans avoir touché un instrument de musique de leur vie. Ils arborent le A cerclé de l’anarchie comme un signe de reconnaissance : “Pas de dieux, pas de maîtres, pas plus d’hommes, font les règles !” dixit Doom. C’est parti, le mot d’ordre est lancé : chaos et anarchie ! Les punks vont tout faire pour aller à l’encontre du système et le déranger. Ils deviennent, par leur mode de vie, leur attitude et leur musique bruitiste, l’élément polluant de la société occidentale.
Les gamins des banlieues, blasés par le manque d’intégrité de leurs aînés qui leur promettaient un monde meilleur, outrés par la bêtise humaine constamment mise en avant par les médias, réagissent !
Ils se rassemblent en collectifs, s’unissent pour vivre en squat.
Les mouvements peace-punk et anarcho-punk naissent en Angleterre avec les groupes Discharge, Crass, et Subhumans comme investigateurs. Ils s’organisent entre eux sans besoin de personne, s’autoproduisent, et se proclament “activistes”. Ils deviennent végétaliens pour boycotter l’exploitation capitaliste des animaux, interviennent violemment contre les laboratoires pratiquant la vivisection, refusent toute forme de profit, organisent, avec leurs gains, des soupes populaires pour les sans-abri, et attaquent violemment les industries hautement polluantes, comme les compagnies pétrolières. Ils frôlent parfois le terrorisme.
Crass sont les plus virulents. Surveillés par les services de renseignements anglais, ils prônent la paix et l’amour par l’anarchie, et refusent d’inclure toute forme de mélodie dans leur musique pour ne pas entacher l’intégrité de leurs textes. Des dizaines de groupes vont éclorent et vouer un activisme sans relâche : Napalm Death, Extreme Noise Terror, Doom, Electro Hippies, Conflict… en seront les acteurs les plus bruyants, condamnant le plus ouvertement notre système polluant et destructeur.
Aux États-Unis, la scène anglaise est talonnée de près par la scène hardcore dont l’un des leaders est Minor Threat. Initiés par les rastas, inventeurs de la musique hardcore et porteurs de la philosophie “positive mental attitude”, les Bad Brains créeront le mouvement “straight edge”. Les règles sont simples : pas de drogue, pas d’alcool, pas d’abus sexuel, végétalisme, pas de violence, pas d’intolérance, etc., pour se démarquer de la tendance de la jeunesse américaine. Les sur-activistes comme Nausea, Misery, ou Neurosis, directement dans la lignée de Crass ou Discharge, condamnent plus que jamais le genre humain à travers un son ultraviolent et dépressif. La solution pour sauver la planète : le rejet en bloc du système de consommation et de tous les grands lobbies. Les punks proposent des solutions ?
2 février 2006. Tagada Jones, le groupe punk hardcore hexagonal le plus militant de ces dernières années, crie sa “colère noire” à Rennes, devant une salle comble, lors d’un festival organisé par les electro-punk de La Phaze. Sensibilisés à l’action de Jo Le Guen, ils ont monté ce concert pour soutenir son association Keep It Blue. Son but : faire porter à Total le poids de la responsabilité dans les naufrages de l’Erika et du Prestige, et de faire évoluer au niveau européen les réglementations sur les transports maritimes. Nos hardcoreux nationaux, le groupe le plus écouté et entendu par les jeunes contestataires français, consacrent une bonne partie de leur répertoire à l’environnement.
Les punks sont peut-être l’élément dérangeant, estimé polluant par une majorité normalisée et aseptisée qui préfère la pop ou le classique, mais ils restent certainement l’un des derniers bastions d’activistes radicaux qui luttent vers un monde meilleur. CQFD.
Texte : Michael D’Elia
Illustration : Christina K
EXTRAIT DEDICATE 14 – Automne 2007