Sans doute à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème choisir de faire profession dans les arts : peinture ou sculpture suffisait pour faire d’une femme une rebelle.
Rebelles elles l’étaient, celles qui en 1881 décident de créer une association professionnelle (Union des Femmes Peintres et Sculpteurs), d’organiser chaque année un salon de peintures et de sculptures et de lutter pour que les femmes puissent accéder à l’enseignement gratuit et prestigieux de l’Ecole des Beaux Arts de Paris. (Elles n’y auront réellement accès qu’en 1900).
Rebelles elles l’étaient en refusant un ordre établi, qui voulait que les femmes soient satisfaites d’un statut d’amateur et pratiquent les arts en attendant les choses sérieuses qu’étaient le mariage et l’éducation des enfants.
Bien sûr, avant elles, il y a toujours eu des artistes femmes, certaines reconnues et célèbres à leur époque, mais souvent isolées dans l’atelier d’un père ou minorisées dans leur pratique de l’art : miniatures, natures mortes…. Ce qui change en 1881, c’est la conscience de leur nombre et de la nécessité de s’organiser pour exister professionnellement. Paradoxalement, c’est en revendiquant l’entrée d’une institution déjà très sclérosée dans ses pratiques qu’elles font acte de rebelles. Mais avant même de se battre pour entrer à l’Ecole, c’est le désir de vouloir sortir sans chaperon, pour elles qui font souvent partie de la petite et grande bourgeoisie qui les fait se révolter “Ce dont j’ai envie, c’est la liberté de se promener tout seul, d’aller, de venir, de s’asseoir sur les bancs du jardin des Tuileries…”
“Voilà la liberté sans laquelle on ne peut pas devenir un vrai artiste” écrivait la peintre Marie Bashkirteff dans son journal en 1879.
En effet, pas de scènes de bordel ni de rues dans l’œuvre de Berthe Morisot, de Mary Cassatt, femmes impressionnistes …. Mais que de stratégies de la part de Morisot pour faire inviter à la table de ses parents ses collègues peintres qui habituellement parlent de théories picturales dans des cafés qui lui sont interdits. En 1905, Maria Lamer de Vits en écrivant sur les femmes sculpteurs revendiquait pour elles un idéal d’égalité : “à mérite égal, considération identique”. Son petit livre bien sage dans sa présentation se voulait donc révolutionnaire dans son propos puisqu’il réclamait un regard identique pour un travail de l’un ou l’autre sexe à une époque où l’on pensait que les femmes devaient se spécialiser dans un art d’élégance, de retenu et de délicatesse ainsi qu’Apollinaire définira un peu plus tard l’art féminin.
Être artiste, c’est souvent pour elles avant même de penser changer le cours de l’histoire de l’art ou transformer les règles de l’ordre pictural, simplement accéder à un enseignement de qualité, pouvoir rencontrer d’autres artistes, pouvoir négocier des contrats, vivre de manière indépendante, avoir un atelier à soi. Autant de combats à mener dans la famille et dans la société, usant et épuisant alors que le mariage fait d’une femme une mineure.
Enfin, c’est déplacer les limites, non dites mais particulièrement contraignantes de ce qui est acceptable dans l’art de la part d’une femme. Ainsi Camille Claudel en sculptant la Valse se heurte tout au long de son travail aux fonctionnaires qui suivent la commande faite par l’Etat. Il est inconvenant, incongru et même impensable alors pour une femme de pouvoir présenter la force de l’érotisme par deux corps nus et rapprochés dans un même mouvement. Camille Claudel ne peut être alors que rebelle.
Texte : Catherine Gonnard
Illustration : Abigael
Extrait DEDICATE 17 – Eté 2008