Ô divine rencontre qui charme les cœurs d’une joie de vivre aussi contagieuse que majestueuse est sa voix. Le paradis c’est ici. Croyez-moi, quand bien même vous fuyez les commérages de notre « Perfect World », gageons que GOSSIP sera en odeur de sainteté avec un cinquième album « A joyful Noise » diablement efficace.
« Music is the most universal language ever » et pour preuve… Offrande verbale à une déesse vocale au doux nom de Beth : « I ? the way you are, and that’s the way it is ». Prière d’écouter, c’est pas péché !
Un nouvel album ” A joyful noise” plus mature et plus triste, est-ce un écho à ventre enfance difficile ? Une revanche ?
C’est davantage l’effet du temps qui passe.Avoir 28, puis 29 puis 31 ans aujourd’hui. A cet âge on ne fait plus le même album qu’à 18 ans. Je ne dirai pas qu’il est totalement triste mais, encore, plus encore, qu’il y réside toute la liberté nécessaire pour être dans l’émotion. Laisser transparaître le ressenti dont on ne se soucie guère plus jeune mais qui paraît primordial par la suite. La confiance acquise après 30 ans vous aide à grandir. Elle éveille le sentiment, trouble le moi intime et assume l’émoi.
Après l’énorme succès de « Music For Men » comment envisage-t-on un nouvel album ?
On ne s’est jamais trop souciés des attentes du public. En tant que groupe «Gossip», nous avons toujours été très forts pour savoir qui nous sommes, où se situent nos limites et celles de chacun d’entre nous. A dire vrai l’idée première lors de la conception d’un album, est de ne rien exclure. Se livrer entièrement, hurler tout ce qui nous passe par la tête et se faire plaisir en élaborant une musique avec laquelle nous sommes en phase, qui nous corresponde. Nous prenons les décisions que nous devons prendre. Parfois, il est difficile d’y parvenir, d’autres fois tout est d’une simplicité déconcertante mais quoiqu’il en soit nous sommes assez doués pour ne pas trop nous préoccuper des aspirations du public et ne pas être démesurément influençables. La réalité est pleine d’inattendus puisque ce que nous faisons aujourd’hui, nous ne l’avons jamais fait auparavant. C’est bien de là que vient la magie. Alors il peut arriver que l’on se perde un peu mais généralement nous gardons le contrôle. Sans être trop rudes, il est essentiel de rester concentrés, ne pas se disperser et être pleinement satisfaits du résultat. Quand bien même personne n’approuve à la fin de la journée, il faut être capable d’être raccord avec son art, assumer SA propre musique, ses propres choix, « you made this record for yourself ».
Comment se déroule le processus de création au sein du groupe ?
Nous travaillons tous ensemble. Depuis toujours je commence par trouver les mots et la mélodie qui constituent la base, puis s’y ajoutent la guitare et les percussions. Une simplicité qui perdure depuis nos débuts. Je suis toujours assez gênée vis à vis des journalistes qui s’interrogent sur notre processus de création, car c’est assez simple et la réponse s’en trouve dépourvue de toute originalité ! Je ne saurais donner une meilleure réponse ! (Rires) « Nothing special ».
Pourquoi avez-vous décidé de travailler avec Brian Higgins et Mark Ronson sur ce nouvel album ?
Nous avons…Pour dire vrai, j’ai choisi de collaborer avec Mark. J’aimais beaucoup l’idée de travailler cet album à Londres et je connais Mark depuis longtemps. L’album de The Black Lips et celui d’Amy Winehouse « Back to Black » sont incroyables. J’avais vraiment en tête de me joindre à des personnes qui ne travaillent pas uniquement avec des musiciens et nous avions pour beaucoup les mêmes références et les mêmes envies.
De plus, je ne voulais pas concevoir cet album à Malibu. J’ai adoré travaillé avec Rick Rubin sur « Music For Men ». Cette expérience a été incroyable et m’a tant appris, mais je ne peux pas m’imaginer passer encore trois mois à Malibu. Il y a bien trop de soleil. « Too many bikinis, really weird ! » Londres, Portland sont bien plus mes éléments, gris, froid, pluvieux, voilà ce que j’aime. Puis j’ai rencontré Brian. Je ne savais pas réellement qui il était et ne connaissais pas son parcours. C’est particulièrement agréable de travailler dans ces conditions, avec des individus qui vous sont totalement inconnus et auxquels vous ne prêtez pas de fausses intentions, ni conclusions hâtives. Aucun à priori plus ou moins conscient ne vient troubler l’accomplissement de la tâche qui vous incombe. « You’re just there to do what you have to do ».
Nous avons écrit ensemble plusieurs morceaux et notre collaboration s’est particulièrement bien passée alors même que le contexte n’y était pas propice. Mon père est décédé et ce fût une période difficile, pleine de chamboulements. Mais malgré tout, il est apparu évident que Brian était la personne parfaite avec laquelle travailler. « I’m over the moon about it ! ». Nous avons fait des choix décisifs ensemble et décidé de ce qui fonctionnait ou pas, musicalement et émotionnellement.
Avez-vous déjà des envies de collaborations futures ?
Pas vraiment. « I’m so right now, in the moment ». Je profite du moment présent, j’ai besoin de vivre pleinement les choses. Je ne sais pas jouer d’un instrument, mais je me suis récemment mise à la harpe, j’essaye d’apprendre de-ci, de-là. C’est incroyable ! À bien y réfléchir, j’aimerais écrire pour quelqu’un d’autre. « You can be limited to what you do ». Avoir une vision, développer un concept pour quelqu’un d’autre m’amuserait beaucoup et différemment de Gossip. Participer à une toute autre expérience aussi excitante mais totalement distincte, originale, un réel projet à part entière. C’est étrange comme je peux apprendre sur Gossip durant les interviews. «That’s what it is ! ». Une vraie thérapie ! On réalise des choses auxquelles on ne songeait même pas.
Pour le moment, il s’agit de s’approprier, d’intégrer ce nouvel album qui ne semble pas tout à fait réel. « I don’t know what to say, but you know what ? It is right now ! ». Affaire à suivre…
Qu’est ce qui vous révolte, vous dégoûte particulièrement aujourd’hui ?
Les élections aux Etats-Unis me rendent physiquement malade, elles m’empêchent de dormir le soir. Que va-t-il se passer par la suite ?
Il y a tant de choses qui me révoltent. « How unpredictable everything is ». Tout est si fortuit et bien que ce ne soit pas nécessairement négatif, il faut avouer honnêtement que de profondes révolutions sont en train de se produire actuellement. « We are in this crazy shift periode ». C’est une conjoncture folle mais peu importe l’issue, les civilisations y survivront.
Aujourd’hui le monde est soumis à de nombreux bouleversements et le constat est sans appel : bien trop d’intolérables, d’injustices. De quoi parlons nous ? De la Syrie, de l’Irak, de l’Iran, de la Corée du Nord, de l’Égypte… Mais il y a déjà tant de luttes, de combats à mener chez soi, aux Etats-Unis. « America is a really crazy place to be right now ».
Il y a tellement de sujets qui m’intéressent, «tell me, how much time do you have ?». (Rires)
On dit que la musique adoucit les mœurs, pensez-vous que chanter puisse rendre le monde meilleur, amener un « Perfect World » ?
« Music is the most universal language ever ». C’est une vérité. Il suffit de penser à ces chansons que l’on chantent en langues étrangères sans en connaître et comprendre réellement les paroles mais en prétendant que.
Peux-tu imaginer quelqu’un me chanter «Heavy Cross» dans un aéroport en français ? Ce serait hilarant !
Je suis un peu hippie à l’intérieur, une amoureuse de la vie. Quand j’écoute une musique c’est un peu : « This is it. This is what the world needs ! The world needs LOVE ». La musique peut tant véhiculer mais demande de fortes personnalités et c’est ce qui nous manque actuellement. Il nous manque un vrai bon mouvement musical et la seule façon d’y parvenir et de l’introduire, être un déclencheur. Dès que j’ai du temps, je m’en charge, c’est mon objectif.
La musique est si puissante, elle te permet de rester connecté, de ne pas te sentir seul, d’être comme entouré d’amis quand bien même tu serais exclu. La musique est le médium et le langage le plus puissant qui existe. « Singing is always make me feel better ».
Voilà pourquoi tu chantes ?
Oui et aussi parce que je n’ai pas d’autres talents. Non, réellement ! J’étais pitoyable en temps que serveuse, je parlais beaucoup trop. Je suis nulle en maths, je ne pourrais pas travailler dans une banque, être actionnaire ou même avocate. C’est la seule chose que je sache faire convenablement. C’est davantage la musique qui m’a choisie que moi qui ai eu le choix.
Un rituel avant de monter sur scène ?
Pas un mais plusieurs ! Beaucoup d’entre nous chantons « Fleetwood Mac » avant de monter sur scène. On écoute aussi du hip-hop comme Nate Dogg et parfois nous jouons au UNO. On a besoin de passer du temps ensemble, traîner en backstage les uns avec les autres. S’égarer dans une discussion, se retrouver tous ensemble dans une même loge à boire du whisky, écouter du hip-hop super fort, crier et puis monter sur scène. J’ai du mal à exprimer à quel point on s’éclate en tant que groupe, « it’s such a silly group of people ».
Lorsqu’on vous voit évoluer sur scène, on se sent vivre. Où puisez-vous cette énergie extraordinaire qui transcende les foules ?
Du public à 110% ! J’adore l’idée de parler à tout le monde en même temps. C’est terriblement frustrant parfois de ne pas pouvoir honnêtement toucher chaque individu. Encore une fois, je suis une vraie hippie, « I wish I could hug everyone ». J’ai besoin de donner autant parce qu’on me donne tant. C’est une formidable expérience spirituelle, comme d’être à l’église. Ressentir à quel point le public est connecté et attentif à ce que l’on fait. Au combien il nous insuffle la vie. On ne peut recevoir cette force et cette énergie sans en donner en retour. Il s’agit d’un échange profond et intime. Un tel sentiment de vie. L’énergie ultime.
Est-ce spontané ou se prépare-t-on aux « lives » ?
Oui, totalement spontané. Je hais l’entraînement. L’idée de préparation me fait horreur. J’aime quand les choses prennent une toute autre tournure que celle à laquelle vous vous attendiez. J’adore lorsque rien ne va comme prévu, que l’on se trompe. Hannah par exemple, a besoin de visibilité, de préparation alors que je rêve d’inattendus. Si sa guitare se cassait, ce serait un moment tellement amusant pour moi. « i like the freedom of live shows ». Tout peut arriver, on ne sait jamais !
Après un concert, est-ce une une grande délivrance ou une immense solitude ?
Il n’y a pas de solitude. On n’est jamais seul en tournée, jamais! C’est une délivrance, un grand «Haaaa…» mais malgré la fatigue je ne peux pas aller me coucher directement après avoir été sur scène. J’ai besoin de décompresser. Les blagues fusent, beaucoup de fous-rires, de fumée. On est un groupe de déjantés, une bande de clowns débiles. Alors c’est un peu un concours de blagues plus talentueuses les unes que les autres. Puis vient le moment que je préfère lorsqu’après un show, on se retrouve tous dans le bus à se tordre de rire, de la folie. Puis tour à tour chacun s’endort et on entend les ronflements prendre le dessus. Le calme après la tempête. C’est touchant. Nous ne sommes que des adultes, personne n’a moins de 25 ans, et pourtant.
« Being able to be a kid for the rest of your life, it’s so great ! ». Il n’y a pas d’âge pour s’amuser.
Si j’étais Beth DITTO, quelle question me poserais-tu ?
Peut-être, combien de temps penses-tu continuer à faire ce métier ? C’est une question que tout musicien, chanteur se pose.
Et combien de temps penses-tu continuer à faire ce métier ?
Je n’en ai pas la moindre idée ! « As long as they let me ! ». Mais je pense que c’est une bonne question que j’aurais aimé poser à Patti Smith lorsqu’elle avait 30 ans. Et dire que, quelques 30 années plus tard, elle continue ! Idem pour Nina Simone que j’imagine au même âge se dire, « OK, il me reste 10 ans ». FAUX ! Elles avaient toute leur vie, et elles l’ont vouée à la musique.
Interview : Jessica Segan
Photographie : Damien Blottiere
EXTRAIT DEDICATE 28 – Printemps/Été 2012