Pendant de nombreuses années malgré la popularité des adaptations au cinéma, le super héros se conjuguait au masculin. Si l’on fait exception de la série télé des années soixante-dix Wonder woman, du film désastreux Supergirl de 1984 (avec Faye Dunaway) et de quelques apparitions de Batgirl le peu d’enthousiasme des producteurs semblait correspondre à une réalité du monde des comics.
Les garçons fréquentant les comics shops n’étaient pas prêts à lire des histoires consacrées à des héroïnes ou alors uniquement des fantaisies masturbatoires avec costume moulant sur bimbo à (très) forte poitrine. Malgré tout des femmes scénaristes (comme Gail Simone) et des auteurs comme Alan Moore (V for Vendetta, Watchmen) ont au fil des années présenté des héroïnes fortes et complexes.
Ces auteurs ont pavé la voie à Greg Rucka (scénariste) et J.H. Williams III et leur réinterprétation de Batwoman qui a généré un grand bruit aux Etats-Unis à tel point que les grands network comme C.N.N ont relayé l’information. Pendant des années Batwoman était un personnage mineur de l’univers de Batman avant qu’elle ne renaisse récemment en tant que féministe, juive et lesbienne. DC comics (éditeur de Batman, Superman et Wonder woman) a compris que pour sortir du ghetto des lecteurs de comics lambdas qui ressemblent parfois un peu trop au personnage du vendeur de bédés des Simpsons (obèse, sexiste, immature et monomaniaque) il fallait s’adapter à l’Amérique moderne.
Kate Bane est un personnage complexe qui par son comportement autonome est de fait féministe. L’homosexualité était pendant longtemps un sujet tabou au sein des comics mainstream, ou alors un gimmick plutôt destiné à exciter la concupiscence d’un lectorat adolescent. Greg Rucka n’instrumentalise pas l’homosexualité de Batwoman mais l’incorpore de manière naturelle, telle une couleur supplémentaire sur la palette de sa « characterization ». Kate Bane est une dure à cuire qui a connu l’éviction de l’école militaire à cause de sa sexualité et a entretenu une liaison avec la flic latino Renée Montoya qui est elle même une super héroïne nocturne portant trench coat et masque sous le nom de The Question. Comme tout bon super héro qui se respecte, la vie sentimentale de Batwoman est un enfer puisque ses compagnes confondent ses escapades nocturnes avec des infidélités.
Graphiquement Elegy est une réussite entre style pop et psychédélisme moderne, le scénario de Rucka quant à lui est sophistiqué et voit s’affronter l’héroïne en rouge et noir à la létale Alice, une sorte de Jocker au féminin fort influencée par Lewis Caroll. Devant le succès des ventes, Batwoman est devenue une série permanente et rejoint un groupe super héroïque exclusivement féminin mené par Wonder woman. Les comics de supers héros ne sont plus réservés aux males boutonneux et Batwoman est là pour vous le prouver. Batman a du mouron à se faire avec cette concurrente de choc!
Batwoman : Elegy Greg Rucka/J.H.?Williams III (D.C Comics)
Série régulière aux USA par J.H Williams III et Haden Blackman
Texte : Jean Emmanuel Deluxe
Image : Batwoman TM & (C) 2010 Dc comics
Extrait DEDICATE 24 – Automne-Hiver 2010/2011