Avec ses allures bohêmes et sa voix enchanteresse, Natasha Khan a séduit le monde entier en seulement deux albums. Aujourd’hui, The Haunted Man vise encore plus haut. Rencontre.
Récapitulons rapidement l’itinéraire de cette enfant gâtée par les dieux de la musique. Née le 25 octobre 1979 d’une mère anglaise et d’un père pakistanais, la jolie et douée Natasha se lance dans l’impitoyable univers de l’industrie du disque au milieu des années 2000. Si Fur And Gold (2006) est apprécié par les amateurs de pop ourlée (de Jarvis Cocker à Cocorosie en passant par Thom Yorke), c’est le tribal chatoyant de Two Suns (2009) qui la révèle pour de bon au grand public. Depuis, on attendait impatiemment le retour de Bat For Lashes. Et elle ne nous déçoit pas : son troisième album The Haunted Man brille d’une élégance mi-électro, mi-acoustique. De passage à Paris, elle nous rencontre dans un petit café du Jardin du Luxembourg… Un décor qui sied à merveille au romantisme inné de la demoiselle.
Après le succès de Two Suns et la longue tournée internationale qui a suivi, comment avez-vous retrouvé vos esprits pour faire ce nouveau disque ?
Pendant six mois, j’ai fait de la peinture, j’ai relu mes livres d’enfances, j’ai fait des travaux manuels et j’ai adopté un chat ! Et j’ai écrit l’album… À cette période, je replongeais beaucoup dans l’histoire de mes ancêtres, donc dans ma propre mythologie… Mais sans trop de nostalgie. Alors que dans Two Suns, les traces de mes relations sentimentales rendaient le disque sombre, parfois même triste. J’ai toujours beaucoup d’émotions à transmettre, mais je devais aussi me remettre en question. Et donc m’isoler… Beaucoup disent qu’un artiste doit être malheureux pour créer. Ce n’est pas mon avis, je pense au contraire que la sérénité est importante.
Vous sentez-vous en paix avec vous-même ?
Je ne sais pas si je suis plus heureuse qu’avant, mais je suis à la fois plus réaliste et plus zen. The Haunted Man est sans doute mon album le plus consistant. L’écouter, c’est comme lire les pages de mon journal intime. Je parle avant tout du fait de s’accepter enfin tel qu’on est. On n’y échappe pas quand on est artiste : c’est une renaissance permanente, il faut s’y faire !
Vous avez fait appel à votre fidèle collaborateur David Korsten, mais aussi à Dan Carey, un producteur loin de votre univers…
David, c’est comme mon mari musical ! Je suis très à l’aise avec lui. Et Dan Carey tient un peu le rôle de l’amant… D’un côté, j’avais ma base, mon ancre, et de l’autre, je pouvais tenter des expérimentations que je n’avais osé faire auparavant. J’ai eu de la chance de les avoir tous les deux avec moi (rires) ! Et pas de jaloux, Dan et David se respectent et s’admirent mutuellement…
Ces dernières années, vous les avez passées sur les routes. Certains lieux vous ont-ils plus impressionnée que d’autres ?
La côte ouest des Etats-Unis, avec ses grandes étendues… J’aime beaucoup les arbres ! Mais j’ai tellement voyagé, que finalement, je n’aime rien tant que le Sussex en Angleterre, à regarder l’océan, avec les collines, les forêts. Je me sens connectée à cet environnement humide, enchanté, à ses odeurs…
On ne peut pas ne pas parler de cette image qui orne la pochette de l’album. Cette photo de Ryan McGinley vous représente nue, en train de porter un homme, nu aussi…
C’était dur physiquement, je l’ai senti passer le lendemain ! Porter cet homme, c’était comme supporter le passé, c’était vraiment symbolique. Et je suis très heureuse que Ryan McGinley ait accepté de faire cette photo avec moi. C’est un homme magique, plein de charisme.
Poser nue ne vous posait pas de problème ?
Un peu au début, mais Ryan a beaucoup travaillé avec la nudité, et il m’a rassurée. Avant, je voyais des photos de moi qui cherchaient à me rendre plus sexy que ce que je suis en réalité, cela m’avait fait du mal. C’est pour ça que je voulais célébrer une nudité naturelle, sans retouche ni glamour, parce que je me sens féminine et pas simplement sexuelle. La féminité, c’est aussi être vulnérable, maternelle, sensible…
Vous êtes aussi aimée pour vos prestations scéniques. Que nous réservez-vous pour cette nouvelle tournée?
J’ai toujours été passionnée par la danse et le mouvement, et cette fois-ci, je travaille avec des chorégraphes pour développer autre chose. Ce sera plus minimaliste que d’habitude, davantage dans le noir et blanc que dans les couleurs. Le public sera peut-être surpris… mais aussi heureux que moi, je l’espère !
Interview : Sophie Rosemont
Photographie : Eliot Lee Hazel
EXTRAIT DEDICATE 29 – Automne-Hiver 2012/2013 –