Babi, c’est un peu comme tomber sur un spot que personne n’a encore géolocalisé : une adresse planquée rue Mandar qui a la vibe d’un club privé où l’on glisse en soirée pour se laisser embarquer sans trop se poser de questions. Pas de storytelling en overdose ; juste une ambiance, le cool qui ne force rien, avec ce petit frisson de « tiens, ça manquait à Paris ».
Aux commandes, Jérémie Taché et Néo Guerin, deux électrons libres qui ont affûté leur œil dans des maisons où l’exigence ne connaît pas la sieste. Leur duo fonctionne comme un binôme créatif dans la mode : l’un incarne la fluidité, l’autre la structure, et ensemble ils signent un lieu qui n’a pas besoin de crier pour exister. Juste une vision claire, assumée, un peu insolente, exactement ce qu’il faut pour réveiller un quartier qui tourne souvent en boucle.
En cuisine, Néo assemble ses assiettes comme un designer assemble une silhouette : base forte, détails piqués ici ou là, twist inattendu qui déstabilise puis régale. Chaque plat évoque une escapade différente, un souvenir capturé puis remixé, jamais figé. Le produit en première ligne, les idées en renfort, et ce grain de folie dosé au millimètre. Résultat : des créations qui ont la personnalité de pièces en édition limitée.

La salle joue la carte du minimalisme stylé : matières franches, textures authentiques, lignes nettes, aucune surcharge. On a l’impression d’entrer dans un espace pensé par des gens qui comprennent vraiment l’importance d’un bon matériau, d’un angle bien dessiné, d’une atmosphère tellement naturelle qu’elle semble évidente. C’est élégant sans faire semblant, artisanal mais pas rustique, pointu mais jamais snob. La combinaison rare, celle qu’on ne réussit que quand on sait exactement ce qu’on veut éviter.

Côté flacons, Jérémie déroule une sélection qui ressemble plus à une galerie qu’à une carte classique. Il choisit des bouteilles avec du caractère, sans se laisser hypnotiser par les tendances du moment : des terroirs discrets, des régions qu’on oublie, des vignerons qui bossent avec conviction plutôt qu’avec slogans. Chaque vin a un accent, une attitude, une petite histoire, et surtout une vraie raison d’être là. L’ensemble donne envie de s’aventurer hors des sentiers battus.
Ce qui rend Babi irrésistible, au final, c’est cette impression de tomber sur un endroit créé par des gens qui ne copient rien ni personne. Une adresse pensée comme une extension naturelle de leur univers, construite avec sérieux mais portée par un esprit libre, joueur, presque frondeur. Un restaurant qui ne cherche pas le buzz, mais qui pourrait bien devenir le repaire préféré de ceux qui savent flairer les projets qui valent la peine.
Bref : une petite bombe de style, taillée pour celles et ceux qui aiment quand la gastronomie prend des airs de capsule fashion, confidentielle, assumée, indémodable dès le premier soir.
Rédaction : Rania Harrath







