Voici l’histoire d’une artiste sans limites.
Voici l’histoire d’une experte en DIY.
Voici l’histoire d’un esprit libre.
Voici l’histoire d’une âme qui panse ses plaies.
Voici l’histoire d’une voix assoiffée de justice.
Voici l’histoire d’un poing brandi en l’air.
Voici l’histoire d’une femme forte.
Voici l’histoire d’une humanité fragile.
Voici l’histoire d’une enfant en manque d’amour.
Voici l’histoire d’un monde intérieur sans frontières.
Voici l’histoire d’Asia Argento.
Manteau PAUL SMITH, Corset PUELLA ATELIER, Bas LA PERLA, Boots GIA COUTURE
Vous avez été élevée dans une famille italienne baignant dans un contexte artistique fort, votre père étant réalisateur, votre mère actrice et votre grand-père compositeur. Comment avez-vous vécu cela à l’enfance et de quelle manière pensez-vous que cela ait influencé votre vision de la vie en général ?
Le truc, c’est que je ne connaissais rien d’autre. Les gens me voyaient comme quelqu’un d’étrange et de différent, surtout quand j’ai commencé, vraiment très tôt, à travailler. Avec les enfants de mon âge, j’essayais de faire semblant pour avoir l’air d’être normale, comme eux. Mais ils n’y croyaient pas, donc j’ai grandi vraiment seule. Et je vois la même chose avec mes propres enfants, surtout ma fille de 17 ans, qui est sur Instagram avec tous ces gens qui la suivent : elle se demande si ça arrive à cause d’elle ou de moi. Je lui explique que c’est pour sa personnalité, et aussi son héritage familial bien sûr. Je dois préciser qu’elle est très gothique, étrange et extrême dans la manière dont elle se définit. Ça me rappelle la manière dont je me présentais à cause de l’aura de mon père. Elle aimerait se libérer de cette chance qui la ligote, mais d’un autre côté on ne peut rien faire contre son ADN : le chemin est déjà tracé. C’est une chose avec laquelle on naît, peu importe la force avec laquelle on se bat contre. Je pense que c’est ce qui s’est passé avec moi, et que c’est ce qui arrive aussi à ma fille. Ça peut paraître triste d’une certaine façon, mais pas tant que ça. Quand tu nais dans une famille qui a déjà cinq générations d’artistes, il faut faire avec. Soit tu le refuses, soit tu l’embrasses.
Veste & Pantalon FENDI, Chaussures LITKOVSKAYA
Alors, à quel moment donc avez-vous choisi de rejoindre cet univers ? J’ai lu que vous étiez un peu timide au départ et réticente à l’idée de vous exposer en pleine lumière.
C’est amusant que tu utilises le terme de “timide”, car c’est vraiment le mot parfait pour décrire ça. Ma timidité était telle que j’avais l’air débile. J’allais au parc, mais je refusais d’aller sur le toboggan, parce je pensais que les autres enfants m’auraient trouvée ridicule et qu’ils se seraient tout de suite aperçus que je n’étais pas comme eux. Donc j’ai arrêté d’y aller. Je suis devenue trop consciente de ma propre personne, avant même que je commence à jouer dans des films à l’âge de 9 ans. À cette époque je voulais vraiment obtenir l’attention de mes parents. Je ne l’ai pas eue. Ils étaient trop accaparés par leur propre travail. J’ai alors pensé que je l’obtiendrais si je faisais ce boulot, mais ça ne s’est pas passé comme ça. Néanmoins, en tournant ces films, j’ai attiré l’attention des connaissances de mes parents. Et c’est là que mon petit égo est sorti de sa boîte, à cause de ça ou plutôt grâce à ça. Ma timidité était si handicapante que je ne serais pas capable de te parler aujourd’hui si ce n’était pas arrivé. D’une certaine manière, ça a ruiné ma vie parce que je ne pouvais plus du tout être une enfant. Pendant des années, quand j’étais plus jeune, on me demandait si je n’avais aucun regret du fait d’avoir perdu mon enfance, et je répondais tout le temps “Non, non, non !”. Mais en vérité je le regrette vraiment, car je pense qu’avoir grandi si vite m’a fait rester une gamine. En tant qu’adulte, j’ai toujours cette enfant en moi qui ne veut pas grandir et fait beaucoup d’erreurs. De plus, débuter si jeune rend vraiment difficile la possibilité de durer dans ce métier. C’est lorsque j’ai fait ce film avec Michele Placido (Le Amiche Del Cuore, ndlr) à l’âge de 16 ans, dans lequel j’ai eu mon premier rôle principal, que j’ai senti que j’avais la maîtrise de moi- même, de mes mots et de la façon dont je me comportais devant la caméra. Quand tu es enfant cela paraît naturel, mais à l’adolescence tu comprends ce qui peut remuer les gens et comment l’utiliser. Puis, quand je suis allée à Cannes présenter ce film, c’est là que j’ai su ce que serait ma vie. À tel point qu’un an plus tard, alors que j’allais encore à l’école tout en manquant beaucoup de cours, j’ai compris que je n’irai jamais à l’université : mon père m’a dit que si je voulais y aller, je devrais me la payer seule et j’ai refusé. Je suis donc partie de mon côté et j’ai eu mon premier appartement alors que je n’avais même pas 18 ans. Je suis reconnaissante envers mon père, mais d’un autre côté je ne permettrai pas à mes enfants d’avoir une vie comme la mienne. Il faut être né pour ça. C’était vraiment ce que je voulais mais je ne le souhaite à personne. Il faut être véritablement obsédé par ça, pour prendre soin de son don et ne pas le laisser s’évanouir. Ça ne vaut pas le coup d’y perdre son enfance.
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Par la suite votre expérience en tant qu’actrice a emprunté des chemins divers, de films alternatifs à d’autres, plus grand public. Etait-ce un choix délibéré de manière à ne pas vous laisser cantonner dans un certain type de rôle ?
Oh tu sais, je suis cataloguée depuis mon plus jeune âge. Dans ces films, on me demandait de montrer mes seins et d’exhiber ma nudité, et je n’avais aucun problème avec ça, mais cela m’a collé une étiquette que je n’ai pas vue. Je n’ai pas aimé ça, mais je suis fière de tous les films dans lesquels j’ai choisi d’être. Les acteurs sont d’étranges créatures, tu sais (rires). Ils sont fragiles et ont constamment besoin d’être rassurés. Je voulais briser les règles, et c’est la raison pour laquelle je suis mon propre patron : je n’ai pas d’agent, c’est moi qui décide quoi faire et je fais mes propres erreurs toute seule. Je dois dire que mon père humiliait énormément les acteurs, il disait toujours qu’ils étaient stupides et que je ne l’étais pas. Depuis que je suis toute petite, il n’a pas arrêté de me dire que j’étais faite pour être réalisatrice et pas actrice. C’est pourquoi je n’ai jamais voulu me laisser aller à cette attitude autocentrée. J’ai tenté de casser ça de toutes les façons possibles, jusqu’à me blesser moi-même, en donnant cette image trop sombre et étrange pour être comprise. Mais là encore, c’est mon héritage : ma famille a toujours voulu briser la routine et perturber l’ordre établi. Certaines personnes le comprennent, mais, de nombreuses fois dans ma vie, je me suis retrouvée dans la position d’ouvrir la porte en premier et de me faire punir pour ça. J’en suis consciente, mais il faut que quelqu’un le fasse et dise la vérité. Je te mentirais si je disais que je ne regrette pas d’avoir pris cette voie difficile, parce que je l’ai payé au prix fort, mais je ne sais rien faire d’autre. Je l’ai fait avec mes tripes, avec mon cœur, par nécessité et par stupidité. Par naïveté aussi. Il y a dix ans j’étais très différente, je ne me sentais pas tranquille et j’étais en colère, mais aujourd’hui ça va vraiment bien. Je sais que je suis intelligente, mais je ne suis pas encore aussi sage que j’aimerais l’être : je fais encore beaucoup d’erreurs, mais quelque part je reste pure dans le sens où je fais confiance aux gens, jusqu’à ce qu’ils me prouvent que j’avais tort de le faire.
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Depuis la fin des années 90 jusqu’à nos jours, vous avez collaboré avec de nombreux musiciens de genres très divers, du rock à l’électro en passant par la musique expérimentale. Que pensez-vous que ces artistes cherchaient en vous et que vous ont- ils apporté ?
La musique est encore bien plus importante pour moi que le cinéma. Je suis obsédée par elle, même si je ne l’ai pas étudiée, mais je viens d’une famille qui a un grand savoir dans ce domaine. Alors que j’avais 25 ans, Hector Zazou (compositeur français décédé en 2018, ndlr), qui me manque beaucoup, m’a fait chanter pour la première fois. Il avait en tête le dialogue entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli dans le film Le Mépris de Jean-Luc Godard, et voulait que je fasse une voix mielleuse. Et j’ai refusé de faire comme ça, justement parce qu’on s’attend à ce qu’une femme le fasse. En réalité, je trouve ça plus beau de collaborer en musique qu’au cinéma, parce que c’est juste un moment suspendu dans le temps. Après ça, d’autres choses m’ont été proposées parce que j’ai cette voix étrange et masculine dont le son fascine les musiciens, et peut-être aussi pour mon écriture et ma culture musicale. De Tricky à Brian Jonestown Massacre, toutes ces collaborations ont eu lieu parce que je me sens très libre. Tu sais, entendre un son suffit à me faire écrire, très facilement. On se rencontre une nuit et on fait un morceau. Je n’écris jamais à l’avance. La musique est très naturelle pour moi, mais je ne suis pas une chanteuse. L’autre jour je suis montée sur scène avec Indochine à Bercy, et je pensais que j’allais me planter parce que ma voix était vraiment trop basse, vu à quel point je fume. Mais l’énergie du public m’a galvanisée et je suis allée de l’avant. Nicola (Sirkis, ndlr) voulait avoir ma voix avec la sienne et apprécie ma forte personnalité. Je ne suis virtuose dans rien de ce que je fais, mais je suis moi-même et c’est ce que les gens veulent. La vie est une série d’actions et de conséquences, des rencontres d’esprits et de cœurs. En dehors de ça, je suis la plupart du temps à Rome et je reste au lit toute la journée. Je fais du sport, ça me vide la tête et m’aide à rester saine. Je lis des livres, je ne regarde pas la télévision, j’ai quelques amis à Rome que je vois parfois : la plupart de mes journées sont vraiment ennuyeuses comparées à ce que les gens s’imaginent (rires).
Manteau sur commande spéciale réalisé par ADELAIDE VASATURO Boots VALENTINO
Vous êtes vite devenue réalisatrice vous- même, avec trois longs métrages et deux documentaires à votre actif, sans parler des clips vidéo. Etait-ce une volonté de vous exprimer en dehors de la vision de quelqu’un d’autre ?
Absolument. Je dois à la fois remercier mon père et Abel Ferrara pour ça, vu que j’avais alors 22 ans et toutes ces tristes années derrière moi. À l’époque j’étais une actrice de films commerciaux, très célèbre en Italie, et j’ai eu deux prix là-bas en trois ans. Et je me suis dit que je ne voulais plus de ça. Je devais arriver à évoluer d’une manière qui rendrait mon père fier, lui qui m’a toujours demandé de ne jamais devenir une bourgeoise. Je dois toujours me rappeler d’où je viens, que mon père a brisé le système du cinéma italien. Il a co-écrit Il était une fois dans L’Ouest quand il avait 18 ans, et Sergio Leone lui a appris que le seul moyen de casser le système était au travers des films de genre. C’est ce qu’il a fait à sa manière, en faisant quelque chose qui était à la fois d’avant-garde et commercial. Je n’ai pas réussi à faire ce qu’ils ont fait, mais j’ai brisé pas mal de règles, même lorsque j’ai déconné en roulant une pelle à un chien dans un film d’Abel Ferrara (Go Go Tales en 2007, ndlr), ce qui m’a valu un gros retour de bâton en Italie. La première fois que j’ai travaillé avec Abel, il aimait tellement mes idées de réalisation qu’il allait dire partout à quel point j’étais géniale. C’est étrange à dire, mais ce sont toujours des hommes qui m’ont donné la force d’avancer. Je suis heureuse d’avoir ces deux figures paternelles. Même si je ne suis pas trop en contact avec Abel, je sais qu’il est là pour moi. Pas seulement d’un point de vue spirituel mais aussi pratique : avec tous les problèmes qui me sont arrivés récemment, très peu de gens m’ont contactée, mais lui l’a fait. “Je sais qui tu es, je connais la vérité et je t’aime.”
Boots VALENTINO
Vous semblez avoir une relation particulière avec la France, étant proche de nombreux artistes locaux et apparaissant dans bien des films réalisés ici. Pouvez-vous nous décrire ce lien ?
En fait je suis en partie Française, vu que mon arrière-grand-mère était la pianiste Yvonne Müller Casella. Je suis très fière de mes origines françaises et j’ai plus d’amis ici qu’à Rome. À chaque fois que je viens ici, j’appelle des gens que j’aime profondément. Je me sens bien plus liée à l’énergie de Paris qu’à celles de Rome, Londres ou New York. C’est vraiment la ville où je me sens le plus à l’aise. L’amour qu’ont les gens pour le cinéma et les arts est fascinant ici. En dehors de sa magnificence, j’aime sa force de vie et son enthousiasme. À n’importe quelle saison, je pourrais marcher pendant des heures et des heures ici, comme je le faisais avec mon meilleur ami Gaspar Noé. Comme tu vis ici, tu ne le sens peut-être pas comme moi, mais j’ai voyagé partout dans le monde et je peux te dire qu’il y a ici un feu qui ne s’éteint pas. Dans cette ville en particulier, mais je trouve le pays entier incroyablement enrichissant.
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De votre point de vue, quelle est donc la place des femmes dans le monde des arts en général et celui du cinéma en particulier ?
Je pense que la liberté sexuelle est une prison, comme celle qu’on m’a personnellement obligée à montrer sur écran. Je sais que certaines personnes me voient comme une sorte de divinité sexuelle, mais je suis bien plus prude que ça dans la vie privée. Et bien que j’ai accepté des scripts impliquant que je sois nue dans des films, le souci vient du décalage qu’il y a entre ce que je suis capable de faire et qui je suis vraiment. Telle que tu me vois aujourd’hui, je n’ai pas honte de mon corps, et je sais que je suis perçue comme une femme sexuellement libérée, mais c’est devenu un problème quand j’ai dénoncé Harvey Weinstein, parce que lorsque l’on est comme ça, on est considéré comme une salope ou une prostituée. Pour moi, le sexe est quelque chose de sacré, ce que je veux par- dessus tout c’est de l’affection et de l’amour. Laisse-moi être très claire au sujet de cette affaire #metoo : j’ai ouvert ma gueule, mais tu dois réaliser qu’en septembre 2017, j’ai été appelée par de nombreux journalistes, sortis de nulle part, des gens que je ne connaissais même pas, qui voulaient me parler parce qu’ils savaient ce que Weinstein m’avait fait vingt ans plus tôt. Je n’avais absolument aucune volonté de mettre ça en avant par moi-même, car j’avais déjà eu ma vengeance en 1999, en quelque sorte, quand j’ai fait le film Scarlet Diva, qui traitait de ce sujet. Je ne voulais pas en parler, et ma vie allait très bien avant cela. Mais quand ils m’ont dit qu’il y avait treize autres femmes à qui il avait fait la même chose, j’ai accepté de parler. Mon petit ami Anthony (Bourdain, tragiquement décédé en juin 2018, ndlr) et mes parents m’ont dit de ne pas le faire, mais je l’ai fait. Quand je me suis exprimée, j’étais la première femme à dire dans un journal ce que Weinstein m’avait fait, et toutes les autres ont suivi. Est-ce que je le referai encore ? Je dis toujours que oui, parce que ça a aidé tant de femmes. Tous les jours je reçois encore des messages me remerciant d’avoir agi ainsi. Mais j’ai payé un prix incommensurable pour ça. Dans un sens, je devrais juste la fermer sur ce sujet, parce que pour ces gens puissants, je ne suis qu’une “bitch” dont ils veulent se débarrasser. Pas parce que j’étais la première, mais parce que j’étais la voix la plus forte. J’ai explosé le système quand j’ai dit “I know who you are”, même si je ne les connaissais pas tous. Anthony me soutenait et c’était un homme très puissant à CNN, donc je me sentais en sécurité quand il était à mes côtés. Et quand il n’a plus été là, ils m’ont démolie très facilement parce que je ne suis pas une armée à moi seule. Ils se sont débarrassés de moi au niveau professionnel et ont tenté de me stopper.
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2018 a été une année très dure pour vous. Quels sont vos projets dans un avenir proche ?
Laisse-moi te dire que 2017 n’a pas été drôle non plus. Pour l’heure, je dois prendre soin de ma famille. En temps normal je suis quelqu’un qui écrit tout le temps mais je n’y arrive plus. Donc je lis beaucoup, pour emmagasiner toutes les informations que je peux. Et quand on me le demande, je vais dans des shows télévisés pour parler de ma vie. Je suis payée une fortune pour raconter ma putain de vie, parce qu’elle est incroyable. Je n’ai plus de travail, vu que j’ai été virée de X Factor. Aucune charge n’a été retenue contre moi et ils m’ont virée quand même. Mais les gens ne croient pas que j’ai pu violer un type, ils voient le chantage et ce qui m’a été fait. Je comprends que je sois une cible facile et je comprends pourquoi cette histoire est sortie. Quand je l’ai écrit, je savais que mon discours au Festival de Cannes en mai dernier était un acte kamikaze et j’avais déjà reçu la lettre d’extorsion de Jimmy Bennett. J’adore Cannes, deux de mes films ont été présentés en compétition ici et je dois tout à Thierry Frémaux. Mais quand j’ai été invitée à remettre un prix et que j’ai vu toutes ces femmes protester sur le tapis rouge dans leurs robes ridicules, je me suis demandée ce que je pourrais dire qui aurait du sens et resterait pour toujours. C’était comme si tout l’univers s’effondrait lorsque j’ai dit à l’assistance que j’avais été violée par Harvey Weinstein ici même, à Cannes, en 1997. J’ai vu tous ces visages complètement déformés par cette vérité. C’était la seule chose que je pouvais faire à ce moment-là. Je ne le regrette pas, mais je vais le redire : j’ai payé le prix fort pour ça. Je l’ai écrit et chronométré, parce que je n’avais qu’une minute. Juste après, personne n’est venu me parler, comme si j’étais une lépreuse, à part Spike Lee qui a traversé la scène, m’a serré la main et m’a dit: “Merci beaucoup”. J’ai détesté faire ça parce que j’adore le Festival de Cannes, qui est le meilleur du monde, dans la façon qu’il a d’apprécier l’art venant de tous les horizons, et parce qu’il n’a rien à voir avec ce qui m’est arrivé avec le gros type américain qui m’a violée. Mais il le fallait. Les gens qui m’ont invitée savaient peut-être que je ferai quelque chose, mais pas un truc aussi fort. Bon, maintenant, allons fumer une cigarette (sourire).
Manteau PAUL SMITH, Corset PUELLA ATELIER, Bas LA PERLA, Boots GIA COUTURE
ENGLISH TEXT
This is the story of a boundless artist.
This is the story of a DIY professional.
This is the story of a free-thinking mind.
This is the story of a soul healing its wounds.
This is the story of a voice reclaiming justice.
This is the story of a fist in the air.
This is the story of a strong woman.
This is the story of a fragile human being.
This is the story of a child starving for love.
This is the story of an inner world that knows no frontiers.
This is the story of Asia Argento.
You were raised in an Italian family with a deep artistic background, your father being a director, your mother an actress and your grandfather a composer. how did you deal with that as a child and how do you think it influenced your views on life in general?
The thing is that I didn’t know any better. People saw me as somebody weird and different, especially when I began to work, really early on, but at the same time, with the kids of my age, I tried to fake, to appear like somebody normal like them. But they didn’t believe it, so I grew up very lonely. And I see the same thing with my children, especially my daughter who’s 17, who’s on Instagram and has all these followers: she’s wondering if that’s happening because of her or me. I’m telling her it’s for her personality, her inheritance and her legacy, but at the same time she’s very goth, very strange and very extreme in the way she portrays herself. And it reminds me of the way I portrayed myself because of my father’s legacy. She would like to break free from this chance that binds her, but at the same time you cannot do anything about your DNA: the path is already drawn. It’s something that you’re born with, no matter how hard you try to fight it. I think that’s what happened with me, and that’s what’s happening with my daughter. In a way it’s sad, but not really: when you’re born in a family that has five generations of artists, you have to deal with it. You either refuse or embrace it.
So when did you chose to embrace it, as I read that you were a bit shy at first, and weren’t keen on exposing yourself in the full light?
It’s funny you’ve used the term “shy” as it’s the perfect word to describe it. Such was my shyness it made me look crippled. I went to the park but I refused to go on the slide, because I thought kids would see me as ridiculous, that they would instantly recognize I wasn’t one of them. So I stopped going there. I became too self-aware of myself, even before I started to work in movies, at the age of 9. At that moment I wanted so much the attention of my parents, which I didn’t get because they were obsessed with their own work. So I thought I would get it if I did this work, which didn’t happen. But by shooting these movies, I got the attention of the grown-ups who were relatives to my parents. And then there’s that small ego of mine that came out, because of that. Or thanks to that, more like, because my shyness was so crippling that I wouldn’t be able to talk to you today if that didn’t happen. In a way, it fucked up my life because I wasn’t a child anymore. For many years when I was younger, people would ask me if I had any regret because of losing my childhood, and I would say “No, no, no!” But in fact I DO regret, because I think that having grown up so fast made me remain a child. As an adult, I still have this child inside me who doesn’t want to grow up and makes lots of mistakes. Plus beginning as a child makes it very hard to get some longevity. It’s when I did a movie with Michele Placido (Le Amiche Del Cuore, ed.) at the age of 16, in which I had my first lead part, that I felt I had the knowledge of myself, of my words and the way I behaved in the front of the camera. When you’re a child it seems natural, but as a teenager you understand what can move people, and manipulate that. And when I went to Cannes to present this movie, I knew that was going to be my life. So much that one year later, as I still went to school but missed a lot of it, I understood I would never go to university: my father told me that if I wanted to go there I had to pay for it myself, and I refused. So I went on my own and got my first apartment when I wasn’t even 18. I am grateful for my father, and at the same time I wouldn’t allow my children to have a life like mine. You have to be born for it, and that’s what I really wanted, but I don’t wish that to anyone. You have to really be obsessed, to take care of your gift and not let it go. It’s not worth losing your childhood to it.
Later on your experience as an actress went through many paths from underground movies to mainstream blockbusters. Was it a choice in order not to be pigeon-holed?
Oh, I’m pigeon-holed since a very young age. In these movies, they asked me to show my breasts and my nudity, and I didn’t have a problem with it, but it pigeon-holed me in a way that I didn’t see. I didn’t like that, but I’m proud of all the films that I chose to be in. You know, actors are strange creatures (laughs). They are fragile, and they constantly want to be reassured. I wanted to break the rules, and that’s the reason why Iammyownboss:Idon’thaveaPRandIdecide what to do and make my own mistakes. I have to say that my father used to humiliate actors a lot, he always told me they were stupid and that I wasn’t. Since I was a child, he kept on telling me I wasn’t an actress but a director. So that’s why I never wanted to give in to this self-absorbed behavior. I tried to break it anyway I could, even by harming myself, giving this image that’s too dark and strange to understand. But then again it’s my legacy: my family’s aim has always been to break routine and disturb things. Some people do get it, but many times in my life I found myself in the position of opening a door and being beaten up right after that. I’m aware of this, but somebody has to do it, somebody has to tell the truth. I would be lying if I told you I don’t regret to have chosen this hard path, because I paid the price for it, but I don’t know any better. I did it out of my guts, out of my heart, out of necessity and out of stupidity too. Also by naivety. Ten years ago I was very different, feeling more insecure and angry, but I’m really OK now. I know I’m intelligent, but I’m not as wise as I wish yet: I still make lots of mistakes, but at the same time I am pure in the sense that I give my trust until people prove me wrong.
From the late 90s to the present day, you have collaborated with many musicians from several genres, from rock to electro through experimental music. What do you think these artists were seeking with you and what did/do you get from them?
Music is everything for me, much more than cinema. I’m obsessed by it, even though I’ve never studied it, but I’m coming from a family with a great knowledge of music. When I was 25, Hector Zazou (French composer deceased in 2008, ed.), who I miss very much, made me do my first song. He had this idea of the dialogue between Brigitte Bardot and Michel Piccoli in the Jean-Luc Godard movie Contempt, and wanted me to make a mild voice. And I refused to do it this way because that’s what a woman is supposed to do. It’s actually more beautiful to collaborate in music than in cinema, because it’s just a moment in time. After this, other things came because I have this strange masculine voice and musicians are fascinated by the sound of it, and maybe by my writing and knowledge of music too. From Tricky to The Brian Jonestown Massacre, all these collaborations happened because I feel very free you know: hearing a sound makes me write so easily. We meet a night and we make a song. I never write before. Music is so natural to me, but at the same time I am not a singer. The other day I went on stage with Indochine at Bercy and I thought it would suck as my voice was really low because I smoke too much. But the energy of the people was overwhelming and I went ahead. Nicola (Sirkis, ed) wanted my voice with his and likes my strong personality. I am not a virtuoso in anything I do, but I’m myself and that’s what people want. Life is a series of actions and consequences, meetings of the minds and of the hearts. Outside of this, I’m in Rome most of the time, staying in bed all day long. I do sports, it gets me out of my mind and it keeps me sane. I read books, I don’t watch TV, I have a few friends in Rome I sometimes see: most of my days are really boring compared to what people can imagine (laughs).
You soon became a director yourself, completing three movies and two documentaries, not to mention music videos. Was it a matter of wanting to express yourself outside of somebody else’s vision?
Absolutely. I have to thank both my father and Abel Ferrara, as I was 22 and had all these sad years behind me. Back then I was a very successful actress in commercial movies in Italy, and got two Italian Oscars in three years time. And I thought “Fuck it”. I had to turn it around in a way that would make my father proud, as he always told me not to become a bourgeois. I have to always remember where I come from, that my father broke the system of the Italian cinema. He had co-written Once Upon A Time In The West when he was 18, and Sergio Leone taught him that the only way to break the system is through genre films. Which he did his own way, by doing something that was avant-garde and commercial at the same time. I didn’t manage to do what they did, but I have broken many rules, even when I fucked-up like when I French-kissed a dog in an Abel Ferrara movie (Go Go Tales in 2007, ed.), for which I got a huge backlash in Italy. When I first worked with Abel, he was so in love with the directing ideas I told him that he would go around and tell everybody I was great. It is strange to say that it was always men who gave me the strength to go forward. I’m glad I have those two father figures. Even though I am not so much in touch with Abel, I know he’s there for me. Not only spiritually but also in a practical way: with all the shit that happened to me recently, very few people contacted me, but he did. “I know who you are, I know the truth and I love you.”
You seem to have a very special relationship with France, being friends with many local artists and appearing in many movies made here. Can you explain that link?
In fact I am part-French, as my great grandmother was the pianist Yvonne Müller Casella. I’m very proud of my French blood and I have more friends here than in Rome. Each time I come here I call people who I deeply enjoy. I feel much more related to the energy of Paris than that of Rome, London or New York. It really is the city where I feel the most at ease. The love of cinema and arts people have here is amazing. Apart from its magnificence, I like its life force and enthusiasm. At any season I could walk for hours and hours here, like I used to do with my best friend Gaspar Noé. As you live here you might not sense it like me, but I’ve travelled everywhere in the world and I can tell there’s a fire here that doesn’t go. In this city in particular, but I find the whole country so enriching.
From your point of view, what is the place of women in cinema and the artistic domain in general?
I think that sexual freedom is a jail, as I was personally forced to show it on screen. I know some people see me as some kind of sexual goddess, but I’m much shyer than that in my personal life. And while I accepted scripts asking me to be naked in movies, the problem is that there’s a disconnection between what I can do and who I really am. As you see me today, I’m not ashamed of my body, and I know I’m perceived as a sexually liberated woman, but it became a problem with my denunciation of Harvey Weinstein, because when you’re like that you’re considered a whore or a prostitute. For me sex is something sacred, most of all I want affection and love. Let me get this straight about all this #metoo affair: I opened my mouth, but you have to realize that in September 2017, out of the blue, I got called by many journalists, people I don’t even know, wanting to talk to me because they knew what Weinstein did to me twenty years earlier. I had no will to put this upfront at all by myself, as I already had my vengeance – so to speak – when I made the Scarlet Diva movie in 1999, which dealt with this subject. I didn’t want to talk about it, and my life was going fine before this. But when they told me there were thirteen other women he did the same things to, I agreed to talk. My boyfriend Anthony (Bourdain, who tragically died in June 2018, ed.) and my parents told me not to, but I did it. When I spoke out, I was the first woman to tell in a paper what Weinstein did to me, and all the others came after. Would I do it again? I always say yes, because it helped so many women. Every day I still receive messages thanking me for having done so. But I paid an unbelievable price for that. In a sense, I should shut the fuck up about this, because for these powerful people, I’m just a bitch they want to get rid of. Not because I was the first, but because I was the loudest voice. I fucked the system when I said “I know who you are” even though I didn’t know ALL of them. Anthony was behind me and he was a very powerful man in CNN, so I felt secure when he was with me. And then when he wasn’t here anymore, they crushed me very easily because I wasn’t an army on my own : they got rid of me in my job and tried to stop me.
Manteau PAUL SMITH, Corset PUELLA ATELIER, Bas LA PERLA, Boots GIA COUTURE
2018 has been a very tough year for you. What are your plans for the nearby future?
Let me tell you 2017 wasn’t too much fun either. Right now, I have to take care of my family. I’m somebody who usually writes all the time but I just can’t anymore. So I read a lot, to get all the information that I can. And when people are interested, I go to TV shows to talk about my life. I get paid a fortune to talk about my fucking life, because it’s unbelievable. I don’t have a job anymore, as I got fired from X Factor. There were no criminal charges against me, and they fired me all the same. But people don’t believe that I could have raped a guy, they see the extortion and what’s been done to me. I understand I’m an easy target and I understand why this came out. When I wrote it, I knew that my speech at the Cannes Festival last May was a kamikaze act, and I had already received Jimmy Bennett’s extortion letter. I love Cannes, two of my three movies were presented there in competition and I owe everything to Thierry Frémaux. So when I was invited to give an award and I saw all these women protesting on the red carpet in their ridiculous dresses, I wondered what I could say that would be meaningful and stay forever. It was like the whole universe collapsed when I told the crowd I was raped by Harvey Weinstein right there in Cannes in 1997. I saw all these faces completely distorted by my truth. It was the only thing I could do at this moment. I don’t regret it, but I’ll say it again: I paid the highest price for this. I wrote it and I timed it, because I couldn’t do more than one minute. Afterwards, nobody came and talked to me, as if I was a leper, except Spike Lee who crossed the stage, shook my hand and said “Thank you very much”. I hated to do it because I love Cannes; it has the best festival in the world, in the way it appreciates art from everywhere, and it has nothing to do with what happened to me with the fat American guy who raped me. But I had to. The people who invited me maybe knew that I would do something, but not THIS strong. OK, let’s have a cigarette now (smile).
Asia Argento’s Paris Ride Saturday November 17th, 2018 Playlist
Car Ride by AA – Placebo “Taste in Men”
Studio Mix by Frank Godgiven
The Rolling Stones “Paint It Black”
The Beatles “Eleanor Rigby”
The Kills “u.R.AFever”
The Black Angels “Young Men Dead”
LCD Soundsystem “Emotional Haircut”
Asia Argento & Antipop “Vampy” (Inflagranti Remix) Discodeine featuring Jarvis Cocker “Synchronize”
Poni Hoax “Antibodies”
The Rolling Stones “Gimme Shelter”
The Rolling Stones “Jigsaw Puzzle” (request by AA)
IDLES “Never Fight A Man With A Perm”
Jon Spencer Blues Explosion “Bell Bottoms” (request by AA) Jon Spencer Blues Explosion “Ditch” (request by AA)
Jon Spencer Blues Explosion “Dang” (request by AA)
Jon Spencer Blues Explosion “Very Rare” (request by AA)
Jon Spencer Blues Explosion “Sweat” (request by AA)
Jon Spencer Blues Explosion “Cowboy” (request by AA) Jon Spencer Blues Explosion “Orange” (request by AA) Jon Spencer Blues Explosion “Brenda” (request by AA) Jon Spencer Blues Explosion “Dissect” (request by AA) Jon Spencer Blues Explosion “Greyhound” (request by AA) Sonic Youth “Kool Thing”
Gossip “Love Long Distance”
Vitalic featuring Mark Kerr “use It Or Lose It”
Vitalic “Lightspeed”
Glass Candy “Digital Versicolor”
Delta 5 “Mind Your Own Business”
ESG “Dance”
ESG “Erase You” (request by AA)
ESG “Moody” (request by AA)
Liquid Liquid “Cavern”
The Clash “The Magnificent Seven”
The Doors “Break On Through” (request by AA)
The Doors “Light My Fire”
Joy Division “Shadowplay”
The Fall “New Big Prinz”
Nirvana “In Bloom” (request by AA)
Queens Of The Stone Age “Little Sister”
The Smashing Pumpkins “1979”
T-Rex “Cosmic Dancer” (request by AA)
David Bowie “Let’s Dance” (2000 Live Version) David Bowie “Modern Love” (request by AA) David Bowie “Absolute Beginners”
Iggy Pop & Kate Pierson “Candy”
Asia Argento & Antipop “Vampy” (Inflagranti Remix) (bis request by AA)
Asia Argento & Archigram “Someone” (Scratch Massive Remix)
Billy Idol “Dancing With Myself” (12’’ Version)
Big Soul “Le Brio (Branchez La Guitare)” (Wampimix) The Vines “Get Free”
The Prodigy “Voodoo People” (Pendulum Mix)
Beck “Lonesome Tears”
Bananarama “Robert De Niro’s Waiting”
Car Ride by AA
Cypress Hill ”Hit from the bong” Cypress Hill “Boom Biddy Bye Bye” Inkpot “Rock in the Sea”
INTERVIEW François Dieudonné
PHOTOGRAPHIE Laura Marie Cieplik
STYLISME Riccardo Maria Chiacchio
Maquilleuse Masae Ito ℅ Atomo, Coiffeur Chiao Chenet c/o Atomo
Remerciements au Studio Le Petit Oiseau Va Sortir