Celui que l’on surnomme « le sorcier des claviers » officie depuis 2003 sous le nom de General Elektriks. Son troisième album, Parker Street, fait preuve d’une soul vintage et irrémédiablement entêtante. En plus d’être talentueux, Hervé Salters est aussi extrêmement sympathique. La preuve ici.
Après le succès de Good City for Dreamers, n’était-ce pas trop difficile de rebondir sur un nouvel album ?
Mon personnage de chanteur était devenu plus net, l’image de General Elektriks était plus évidente, alors forcément, il y avait plus d’attente qu’après Cliquety Cliqk (2003), mon premier album. Dans ce genre de cas, il ne faut pas trop y penser car il n’y a rien de mieux pour paralyser sa créativité. En ce qui me concerne, j’ai toujours eu envie de faire de la musique et j’ai la chance d’en vivre mais je ne veux pas non plus que cela empiète sur mon bien-être. Le moteur principal de Parker Street, c’est le manque de temps ! Contrairement aux deux autres, j’avais seulement quatre mois pour tout boucler. Etrangement, ça m’a libéré. Plutôt que de chercher le successeur parfait au précédent album, je me suis concentré sur ce que j’étais.
Composer la bande originale de la série Les Beaux Mecs a-t-il eu un impact sur ce nouveau disque ?
Absolument. Les Beaux Mecs, c’était génial car j’adore les musiques de film. Pour ce projet, j’ai travaillé quatre mois sans m’arrêter, je composais pour une scène, je leur envoyais mon travail et ils me le retournaient avec l’image, et là, ils avaient supprimé 10 secondes ! Ce n’est peut être rien quand on en parle, mais il fallait tout reprendre. Bref, il fallait être extrêmement réactif et cela m’a permis de réaliser que j’étais capable de travailler vite et bien. D’autant que j’ai pensé chaque titre de Parker Street comme une séquence de e faire.
Pourquoi ce nom de Parker Street ?
Car je vis à Parker Street, à Los Angeles. Or, le titre ne désigne pas juste ma rue. Tout le monde peut imaginer ce qu’il veut : une rue, mais aussi une idée, une sensation… Les disques avec lesquels je pouvais créer mon petit monde à moi étaient mes préférés car ils me faisaient rêver. J’ai l’impression que Parker Street va plus loin que Good City for Dreamers (2009), mais sur le même chemin : je fais toujours de la soul tarabiscotée !
Il y a une nouveauté sur cet album : l’arrivée d’un batteur !
En effet, je ne me suis pas contenté des machines rythmiques. Michael Urbano (producteur, programmeur et batteur de Sheryl Crow, Cake, Smash Mouth, Willy DeVille… ndlr) est le propriétaire de la maison où nous habitions sur Parker Street ! Son approche du rythme est proche de la mienne, il a un groove super funk tout en étant un grand fan de hip-hop et de beat programmé à la Dr Dre. C’était important pour moi de conserver cet ingrédient… Nous nous sommes donc parfaitement entendus et je crois que cela s’entend sur l’album.
Vous alliez pop, soul et hip-hop comme personne. Vous souvenez-vous de vos premiers émois musicaux ?
J’ai une mauvaise mémoire mais je ne me souviens pas de moments où je n’étais pas passionné de musique. J’ai commencé par le piano, puis je me suis tourné plus particulièrement vers le jazz. Que de l’improvisation car interpréter les compositions des autres, c’est complexe… J’ai monté mon premier groupe quand j’avais 15 ans, lorsque ma famille a déménagé à Londres. Et puis à 20 ans, je suis définitivement tombé dans le bain avec le groupe Vercoquin, j’ai rencontré d’autres jeunes musiciens passionnés comme Mathieu Chédid avant qu’il ne fasse M…
Puis vous avez déménagé aux Etats-Unis…
Oui, à la fin des années 90. C’était un choix de vie, mais aussi un gros pari. Il m’a fallu me refaire une place. J’ai eu la chance de rencontrer les gars du collectif Quantum Project, Dj Shadow, etc. J’ai fait des tournées avec certains d’entre eux. Ce que j’ai vécu à leurs côtés a eu un réel impact sur ma musique. Même si ça fait cliché, il faut dire que là-bas, aux Etats-Unis, les gens te motivent. Auparavant, j’étais naturellement inhibé ! Je ne suis pas sûr que General Elektriks serait né si j’étais resté à Paris car ce n’est pas une ville qui te pousse à sortir de ta coquille. Dans l’absolu, ce serait plus simple pour moi de rester dans mon garage, mais les Etats-Unis m’ont en quelque sorte empêché de le faire.
Cette libération se sent sur scène, où vous explosez littéralement d’énergie… C’est devenu naturel ?
J’ai toujours le trac, bien sûr, mais c’est positif. Heureusement, ça part dès la première note. Te retrouver derrière un micro alors que tu as été habitué durant des années à être derrière un clavier, c’est un peu bizarre… Mais on s’y fait très bien ! (rires)
Vos concerts à venir, que vous assurez avec votre groupe de scène, seront donc toujours aussi survoltés ?
Absolument, car nos concerts se baseront toujours sur l’énergie de l’instant. En live, mes musiciens et moi-même pouvons faire le show, interpréter des trucs fous. Certains artistes vont vers l’esthétique sur scène, ce que je trouve très intéressant également. Pour ma part, je préfère offrir une vie différente à mes disques : l’album doit être sans cesse réinventé en scène et aucun soir ne doit être pareil !
Interview : Sophie Rosemont
Photographie : Nicolas Bruno
EXTRAIT DEDICATE 27 – Automne-Hiver 2011/2012