LE TRIO PARISIEN EST LA RÉVÉLATION INDIE DISCO QUI AFFOLE LA TOILE EN LA TISSANT DE SES CHANSONS ARAIGNÉE. PRÉSENTATION.
Danser = Vivre. Ce slogan bien connu pourrait être un manifeste en soi pour la dance musique dans sa plus noble incarnation. Et Just can’t sleep, premier single de The Aikiu paru l’été dernier, son titre idéalement emblématique. Dans cette chanson, qui sonne un peu comme Antony chez Hercules and the Love Affair ou Brian Ferry période Roxy (le club plutôt que le groupe), il est question de retour de discothèque, d’excès, d’insomnie et de solitude. Pourtant ici, les mots sautillent en apesanteur, sur une production classic house aux beats ciselés (taillés par l’homme orfèvre Pilooski, producteur de plusieurs chansons du groupe). Clin d’oeil à Ze records et au disco Prélude période Studio 54, ambiances fantomatiques à la Dario Argento ; on danse pour oublier qu’on ne dort pas, et tant qu’à faire, avec un maximum de style.
Ce maxi, sorti sur Abracada (label du Social Club qui héberge aussi The Magician, Brodinski et Poney Hoax), a secoué les clubs et les blogs. Sur la dernière compilation “Maison” de Kitsuné, on a pu découvrir “The Red Kiss”, deuxième single du trio parisien (composé de l’énigmatique chanteur Alex Aikiu et ses acolytes Julien Vischniesky et Nabi Chan). Cette fois, la mort en personne est invitée à la danse pour une chanson électro pop qui n’aurait pas déplu à Laroux. Le red kiss en question est le baiser de la faucheuse, ici courtisane, vampire charnelle. Elle traque le chanteur, il lui résiste lors d’une course poursuite amoureuse et flippée. La mort telle une femme fatale, donc renvoyant aux icônes d’Hitchcock (Vertigo) ou De Palma (Pulsion), à la blondeur incandescente de la Deneuve des Prédateurs : une esthétique glacée que réchauffe une production ronde et compressée. Cette ritournelle synthétique, aussi toxique que mélancolique, a tout d’un tube potentiel (qu’on jugera même, au vue du thème, providentiel).
The Aikiu (le nom fait référence aux courts poèmes japonais et aux IQ stéréo) serait-il pour autant un groupe dark ? En les rencontrant, on se rend compte que c’est tout l’inverse. Bien loin de la scène émo / gothique ou de la nouvelle vague de la new wave (incarnée par les blafards Interpol ou White lies), les membres du trio sont plutôt des kids festifs qui, comme beaucoup de groupes génération 2.0, mixent dans leur Ipod avec la même candeur pop, r&b, rock, soul, disco et hip-hop. Sur leurs propres compositions, The Aikiu cherche à insuffler de la pop à la dance musique (et vice versa) et s’appuie sur des textes très imagés : “je suis fasciné par le fantastique, l’esthétique des films d’horreur des années 70, par l’hédonisme des années 80 – et des clubs kids actuels -. Il y a un fil conducteur dans nos chansons c’est clair, un univers très visuel. Mais si “Just can’t sleep” était disco, nous restons un groupe pop avant tout. On aime l’intemporalité des bonnes chansons, celles de Bowie, Nina Simone, Blondie… sans être passéistes pour autant. On mélange ces influences et les claviers vintage aux sons actuels. Le travail de Pilooski a amené certains titres vers les pistes de danse, mais sur l’album, et même s’il y aura pas mal de textures et de machines, on est dans une écriture pop classique”, raconte Alex Aikiu. Sur les quelques morceaux que le groupe peaufine encore et nous invite à découvrir (l’album devrait être prêt pour la fin d’année), on croise d’autres fantômes (ceux de Zelda et Scott Fiztgerald) et même Nosferatu (sur “Let me freak out”, une chanson qui invite Isabelle Adjani – en chair et en os – à réincarner quelques dialogues du film de Werner Herzog). Mais qu’on se rassure : chez The Aikiu, on sait remuer sur et avec des thèmes plus légers, comme l’adolescence et ses love stories alambiquées. Les Pet Shop Boys disaient “nous sommes les Smiths sur lesquels vous pouvez danser”. Une définition qui colle bien à The Aikiu. A l’écoute d’un autre titre à figurer sur leur premier album, le très beau “Peaces of Gold”, il semble évident que ce groupe nous réserve quelques pépites. On lui souhaite de briller longtemps.
The Aikiu : “The red kiss” (Abracada)
Texte : Laura Mars
Photographie : Mari Sarai
EXTRAIT DEDICATE 25 – Printemps 2011