Cher… Toi. Me voilà enfin arrivé… après tant de couloirs, de dédales sombres. Je marchais à vive allure, je pensais à toi que j’allais retrouver après ces longs silences. Je m’imaginais déjà dans les battements de ton cœur emballé.
Mais je sentais que quelque chose me suivait par derrière, une présence, une ombre, un corps anonyme, et ce depuis ma sortie de l’avion. Je n’osais pas me retourner de peur d’être reconnu…
Je n’avais pas beaucoup dormi, trop de jet lag m’avait largué au beau milieu de mon nulle part. Et j’avais tellement envie… de toi mais tu n’étais pas là pour calmer mes pulsions. Je tournais à droite, m’enfermant dans ces toilettes en contreplaqué, hors de moi, je ne pouvais me retenir. Je collais mon corps contre la paroi percée. De l’autre coté l’autre corps est venu se coller. Je ne pensais pourtant qu’à toi et cela me permettait de mieux savourer l’instant… furtif, fautif. Mais n’est-ce pas la faute justement qui générait toute cette ébullition en moi. Je ne pouvais continuer. J’interrompis tout d’un seul coup préférant m’enfuir sans mot aucun. Lâche ! Certes mais je n’avais fait qu’attiser la medulla de mon désir. Un taxi direction le centre-ville. Un grand hôtel. Une suite rock-coco, je plongeais dans un bain. J’essayais de me calmer, de penser à autre chose, mais rien à faire, cela me turlupinait sans cesse. Comme une obsession étouffante qui dictait mon inconscient soumis. Il me fallait de la viande chaude, rougeâtre, visqueuse. Il me fallait de la chair, des respirations en saccades. J’étais affamé(e)
Alors j’ai appelé le room service, et me suis fait livrer quelques sushis avec de l’eau gazeuse, dans mon peignoir de coton épais entrouvert. J’adore ça, m’exhiber, me dévoiler pour déconcerter ma victime avant de l’acheter, l’achever. Je consommais son corps tremblant avidement me transformant en véritable animal frénétique. Tu sais comme tu aimes tant, lorsqu’on sort de soi pour ne plus être que l’objet à jouir de l’autre ! Je regardais bien la queue remplissant le trou de plus en plus vite et de plus en plus fort, tapant bien au fond. Ses yeux étaient fermés sans doute pour mieux se concentrer sur quelqu’un d’autre… aussi.
Carnes objets de transferts les plus interdits, nous n’étions plus deux mais des dizaines défilant dans nos forteresses imprenables. “Avale bien au fond salope” sorti de la bouche baveuse et je jouis comme explose une bombe à retardement, une gifle vola sur le visage aux yeux révulsés. Nous voilà quittes. Trop d’argent et de luxe eurent raison de nous. Le contexte du décor et des rôles sociaux nous avait permis ce qui était monnaie courante dans la Rome antique. Se payer un corps pour une jouissance anxiolytique. Je fus calmé… pour quelques heures seulement car plus je pensais à toi et plus ma libido se détraquait encore. L’heure tournait me rapprochant de toi.
Il me fallait sévir avant de te retrouver. Provoquer aguicher chauffer les esprits les plus faibles, les plus naïfs. Trouver un terrain de chasse bien approprié. Alors j’ai disparu dans une nuit électrique de ce début d’été… indien, en quête de nouveaux corps encore et encore mon iPod comme muraille virtuelle rythmant mes pas électroniques. J’ai sonné à cette porte que je connaissais bien déjà. Ici plus personne n’est personne. Je perdais mon identité, mes vêtements, je devenais un corps nu, offert parmi les autres errant dans ses grandes pièces aux allures de palais vénitien. Je portais ce loup noir que tu m’avais offert l’an dernier. J’avais si faim, désinhibé… par la poussière d’ange. D’abord je regardais autour de moi les corps s’enchevêtrer, se mélangeant de toutes parts sur les canapés en cuir, sur les coussins et les tapis de soie. Je t’imaginais caché(e)… sous une perruque, derrière une colonne, sous un autre amas de viande en rut. Des mains essayaient de m’attraper, des bouches ouvertes laissant sortir des langues frétillantes s’abandonnaient à moi. Mais je continuais de déambuler laissant l’excitation m’envahir et me posséder complètement. Je me suis alors assis sur ce fauteuil trônant au beau milieu de l’orgie, écartant mes jambes, pour mieux attirer qui voudrait bien y glisser la tête.
Alors je me suis laissé… faire en gémissant. Ce fut un franc succès, inespéré même, toutes ces lèvres gorgées de sang qui venait s’abreuver de moi. Des traces de rouge à lèvres couvraient l’intérieur de mes cuisses.
Et l’on s’échangeait, de bouches en orifices, de queues en culs.Les injures pleuvaient, comme le foutre épais sur les croupes et les langues tendues.
La cyprine graissait les membres érectiles de ses étalons Apollon à la peau brune. Je profitais de tout le monde et tout le monde profitait de moi.
Je n’avais pas honte. Mais un fessier de trop déplaça mon masque. Il me fallait sortir de cette vidéo de Jonas Akerlund. Il était tard ou tôt entre chien et loup. “Le jour décroît, la nuit augmente souviens toi !” (Charles Baudelaire) je me souvenais… alors de toi. Mais que faisais-tu ? Où étais-tu ? Pendant que je m’oubliais totalement. Ellipse de nos vies trop courtes. Peur du vide, de ma solitude, de toi ! Peut-être ? Ne m’en veux pas.
Tu sais le sexe c’est ce qui nous a fait… nous rencontrer aussi. J’ai marché dans cette aube regagnant mon vieux palace endormi. J’espère que la jalousie ne s’emparera pas trop de toi et que tes sens interdits se réveilleront enfin. Tu sais bien que mes besoins sexuels ne m’empêchent en rien de t’aimer toujours sinon de plus en plus.
Tu sais bien qu’avec toi je fais l’amour même en baisant. Je suis comme ça. J’ai dormi toute la journée dans ce king size bed trop grand, trop vide. J’ai envoyé quelques mails de mon powerbook. Je me suis masturbé deux fois dans la douche en pensant à ce cul qui me démasqua tout en se faisant remplir par je ne sais quel accessoire trop gros. Je sais que je t’excite malgré tout en t’écrivant tout ça mais c’est surtout pour ça que je le fais.
À tout de suite… chambre 666.
Nouvelle : Cyril Xavier Napolitano
Extrait DEDICATE 04 – Autonme 2004