Bienvenue dans l’univers de ces deux partenaires particuliers : Calypso Valois (fille d’Elli Medeiros et du regretté Jacno) & Alexandre Chatelard. Avec leur électro-pop à la fois cérébrale et hédoniste, ils sont bien partis pour imposer leur sens du mystère.
Comment est né Cinéma ?
Alexandre Chatelard : De notre rencontre, il y a quatre ou cinq ans. Au début, nous faisions des morceaux pour nous amuser, sans arrière-pensées ni ambition d’en sortir quelque chose. Nous les enregistrions très vite, à flux tendu, au fil de nos humeurs. C’était très décalé, et sans aucune intention de faire de la pop. Il s’agissait surtout d’un exutoire… Puis nous nous sommes rendu compte que des morceaux marchaient bien.
Calypso Valois : Nous avons commencé à les faire écouter à nos proches sans rien en attendre vraiment, et les retours étaient franchement enthousiastes. Ce qui nous a encouragés à en faire quelque chose, et puis tout s’est enchainé jusqu’à aujourd’hui.
Après avoir rencontré une maison de disques, vous avez choisi de rester indépendants . Pourquoi ?
C.V. : Nous nous sentons plus libres, et personne ne nous dit quoi faire ! Un an après avoir commencé, nos morceaux sont arrivés un peu par hasard dans des maisons de disques. Nous avons entamé un dialogue avec l’une d’entre elles mais finalement, cette collaboration n’a pas abouti. D’expérience, nous savons que les contraintes artistiques vont de pair avec certains labels. Ils peuvent nous demander d’entrer dans un certain moule même si celui-ci ne correspond pas forcément à nos propres désirs. Heureusement, nous avons eu la chance de rencontrer notre manager, un interlocuteur constant qui nous cadre, sans essayer de nous changer.
A.C. : Notre équilibre, c’est de garder notre autonomie tout en profitant de l’objectivité d’une personne extérieure.
Votre nom de groupe est à la fois facile , évident, mais aussi trompeur : difficile de vous chercher sur Google, au milieu de toutes les salles de cinéma du monde !
A.C. : En effet, ce choix était un pied-de-nez aux moteurs de recherche. Ce mot générique, à la fois très précis et très ouvert, nous permet de sortir du lot. Il est court, efficace, et correspond aussi à notre approche de la musique, car nos influences sont plutôt cinématographiques. Le cinéma de la Nouvelle Vague et toutes les musiques associées m’ont beaucoup influencé, sans oublier Ennio Morricone, Giorgio Moroder… même si aujourd’hui j’y suis moins sensible. Jusque dans les années 80, la musique cinématographique était très écrite.
C.V. : On peut entendre des superbes mélodies dans les bandes originales des années 70.
Comment écrivez-vous vos chansons ?
A.C. : Le principe, c’est d’être en phase avec une émotion précise. Dans nos paroles, nous ne sommes pas dans la recherche de formule, mais dans l’impressionnisme. Nous synthétisons une sensation avec le mot le plus simple qui nous vient à l’esprit.
C.V. : Nous partons d’un premier jet spontané, puis nous y revenons, nous retravaillons le texte… en évitant de trop intellectualiser.
En écoutant votre musique, on a l’impression d’avoir affaire à des personnalités nostalgiques …
A.C. : Nous sommes nostalgiques d’une époque que nous n’avons pas connue, où régnait une sorte de romantisme qui n’existe plus aujourd’hui. Notre époque est assez violente, brutale. Cinéma, c’est une impression d’enfance (cette période bénie où l’on se sent protégé) confronté à la dure réalité.
Parlons de ce morceau, une “Fille sans soucis”, dont le titre impose déjà une contradiction…
C.V. : Cette contradiction, nous la cultivons consciemment…
A.C. : …Car la justesse peut se trouver dans la contradiction. C’est un morceau en demi-teintes, avec cette fille qui cherche du romantisme, du tragique dans des choses qui n’en n’ont pas. Cet amour du romanesque est une constante chez nous.
On parle souvent de la pop eighties ou de la new wave à votre propos, qu’en pensez-vous ?
C.V. : Pour ceux qui vont au plus simple, nous jouons de la pop française des années 80, en effet. Mais ceux qui nous écoutent réellement comprennent que nous sommes davantage tournés vers le futur que vers le passé.
À propos de futur, comment envisagez -vous celui de Cinéma ?
C.V. : Nous essayons de ne pas faire de plans sur la comète… L’important est d’être heureux au moment présent, sachant qu’une démarche artistique est forcément thérapeutique. La notre l’est donc aussi.
A.C. : Pour l’instant, nous nous amusons beaucoup. L’inquiétude, elle est présente dans notre vie, mais pas dans Cinéma – notre projet nous permet d’évacuer ce qui nous chagrine.
Et qu’est-ce qui vous chagrine ?
A.C : Tout !
INTERVIEW Sophie Rosemont
Cinema, Fille Sans Soucis EP (ACV)