Asia Aria Maria Vittoria Rossa Argento est une “vierge” romaine de 30 ans, actrice, scénariste, romancière, boxeuse, mannequin, réalisatrice, DJ et bientôt chanteuse électro-punk. Elle aura bientôt tout fait sans savoir comment. Asia la surdouée n’est pas qu’une fille de…
Fille du gorissime réalisateur italien Dario Argento, elle a fait d’Abel Ferrara son second Pygmalion et s’est déjà mise en scène dans Scarlet Diva, à 23 ans à peine. Asia Argento se sent aussi obsédée par un autre père, celui de… Sofia Coppola, pour qui elle a d’ailleurs récemment tourné dans la superproduction Marie-Antoinette. Beauté tatouée, torturée, jet-setteuse underground, intime de Brian Molko, de Marylin Manson (qu’elle a même vidéoclippée pour son titre (S)aint), ou encore de Gaspar Noé (son partner in crime), Asia est armée d’un tempérament volcanique, dotée d’une sensibilité à fleur de peau. Elle est à la fois l’égérie des réalisateurs les plus tendance du cinéma d’auteur international (Palombella Rossa de Nani Moretti, Transylvania de Tony Gatlif, Une vieille maîtresse de Catherine Breillat, ou Last Days de Gus Van Sant) et des plus commerciaux (xXx de Rob Cohen, Les morsures de l’aube d’Antoine de Caunes, ou La reine Margot de Patrice Chéreau). Depuis quatre ans, elle arbore également le tablier d’une jeune maman overbookée. Sa dernière et seconde réalisation, en 2003, n’était autre que l’adaptation du cultissime roman Le livre de Jérémie de J.T. Leroy, qui l’a émue jusqu’aux larmes, où elle campait une mère droguée et prostituée.
Toujours borderline, elle est un divin mélange de lolita et de femme ténébreusement fatale, provocatrice, et terriblement latine. Vampire, comtesse, putain, elle peut tout jouer puisqu’elle possède ce don qu’ont les vraies grandes actrices de confondre et desublimer leur vie avec leurs rôles. Schizo Asia ? Elle s’en fout. Elle enchaîne les personnages de sa vie devant/derrière les multiples objectifs qu’elle sait fixer comme des cibles, pour mieux sortir de la réalité qui lui pèse tant, tellement lucide et analytique de notre monde en mutation, qu’elle parcourt à tout allure pour ne plus trop penser peut-être.
Diva underground polymorphe, elle est de ces héroïnes qui marquent leur époque au fer rouge, via une ou plusieurs personnalités sensuellement exacerbées, pour toujours mieux vous envoûter les sens. Elle ne voit aucune différence entre ses nombreuses formes d’expression. Elle utilise l’art pour affirmer une lamentable et dépressive individualité. C’est une agonie qu’elle s’estime coupable d’avoir provoqué. Elle est complètement absorbée par son instinct, ainsi son travail semble souvent spontané.
Asia Argento est une personne (faussement) désinhibée et très directe qui a tendance à faire des choses hors de pure nécessité et à toujours vouloir les analyser, même s’il est trop tard pour les modifier. Une de ses plus grandes inspirations demeure son ami Panos Yiapanis, styliste et rédacteur de mode pour le magazine Face (son prénom est même tatoué sur son avant-bras). En se remémorant sans cesse sa propre vie, Asia essaie de ne pas perdre ses souvenirs. En écrivant ses mémoires, elle peut ainsi poser ses mains sur les fragments brisés du passé. Elle peut ainsi le manipuler et le rendre plus acceptable. Si elle aime écrire à propos du passé, cela doit vraiment avoir eu lieu. Heureusement, elle peut s’en souvenir pour parfois mieux l’oublier.
À la fois adulée, récompensée et sévèrement critiquée dans son pays natal, elle se fout du qu’en-dira-t-on en s’armant de la fierté des “freaks” (c’est aussi le titre de son film culte signé Todd Browning), c’est là l’origine de sa force. C’est même ce qui la tire en avant. Ne pas vouloir être acceptée, mais plutôt pouvoir décider d’accepter les autres. Son travail est la meilleure partie de sa vie. Pour elle, le cinéma vaut bien mieux que la vie. Même si elle s’y sent totalement dénudée, comme une victime… consentante. Tout ce qu’un artiste fait à ses yeux n’est qu’un pur reflet de lui-même. Paradoxale, elle se sent bien sûr plus à l’aise derrière la caméra que devant et, pour mieux se protéger, il lui plaît de citer le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein : “De ce que tu ne peux pas parler, tu ne devrais pas en parler.”
Enfin, Asia la mystique porte, tatoué sur sa nuque, le nombre 23. Mais que cela signifie-t-il ? Chut… Elle nous invite alors à lire The Illuminatus Trilogy de Robert Anton Wilson. La réponse est là.
Alors, avec une vie aussi riche et trépidante, on peut se demander comment Asia Argento peut toujours donner le meilleur d’elle-même ? Mais elle ne l’a jamais fait, puisque le pire est bien plus agréable à ses yeux !
Texte_ Cyril Xavier Napolitano
Snapshots_Asia Argento
Extrait DEDICATE 07 – Automne 2005