Il habite à Philadelphie, il a 30 ans et son nom de scène est Spank Rock. Retenez-le bien, car c’est l’une des prochaines pointures d’un genre musical mixé de rap, d’électro et de pop US. Présentation brève, mais intense, de Naeem Juwan.
En 2006, Naeem Juwan sort de nulle part avec un premier album aussi excitant qu’excité, YoYoYoYoYo. À l’époque, c’est avec Alex Epton que Naeem concoctait sa musique taillée à la serpe pour le dance-floor. Après quelques remixes et autres featurings, Spank Rock revient à l’automne 2011 en formule solo. Mais Naeem Juwan dissipe vite les inquiétudes en dévoilant un disque qui commence bien, rien qu’avec son nom. Les belles interventions de Santigold et de Tyette, Everything is Boring & Everyone is a Fucking Liar feraient trémousser le plus apathique d’entre nous grâce à son électro renversante et mâtinée d’électro-pop bigarrée. Le tout co-produit avec Boys Noize et Mark Ronson, s’il vous plaît. La planète hype ne rêve que de lui et le grand public le réclame en club… Mais qui es-tu, Spank Rock ? Il nous répond lors d’un passage éclair à Paris.
Comment vous êtes-vous lancé dans la musique ?
Un peu n’importe comment. Avec le hip-hop, tu n’as pas besoin de grosses infrastructures, donc je n’ai pas commencé à jouer sérieusement avec une véritable idée en tête. J’aimais rapper, bien sûr, j’avais même un groupe au lycée. J’ai continué avec un autre groupe à l’université de Philadelphie. Mais rien de très sérieux, quand j’y repense.
Mais ça, c’était jusqu’à ce que YoYoYoYoYo sorte ?
Mon premier album, c’était un peu un accident de parcours. Vraiment pas calculé. Quand j’ai présenté mes démos à Big Dada, les mecs du label m’ont juste dit : « OK, on va l’enregistrer ». Pour être honnête, ce n’est pas une histoire de dur labeur. C’est comme si c’était ma destinée. Même si je n’ai jamais voulu devenir un poids lourd de l’industrie musicale. Ça me faisait peur. Passer de la vie d’étudiant à la vie d’artiste, c’était un choc. Je ne l’ai même pas dit tout de suite à mes parents… Avant de partir en tournée, je n’avais même pas de passeport !
Au fait, pourquoi vous être appelé Spank Rock ?
Pas terrible, comme nom, je sais (rires) ! Quand j’étais à la fac de Philadelphie, mon coloc et moi organisions des fêtes. Un soir, j’ai joué mes titres et je voulais un nom qui se retienne. C’est Spank Rock qui m’est apparu. En fait, je voulais qu’il contienne le mot « rock » un peu comme les groupes des années 80… Ensuite, j’ai oublié de le changer ! Quant à « Spank », je ne me souviens pas très bien du pourquoi du comment…
Everything is Boring and Everyone is a Fucking Liar… Ça, c’est du nom d’album !
(Rires) Oui, c’est fort, c’est passionné ! Je l’aime beaucoup ! Mais il y a aussi beaucoup de peur là-dedans. Cela n’a rien d’ironique. Il faut encourager la création, il faut vivre une vie enflammée, même si on peut parfois flipper d’aller trop loin.
Si j’ai bien compris, cet album a mis du temps à se faire…
En effet, sur deux ans environ… en oscillant entre jours heureux et moments de dépression. J’ai réussi à le boucler à Berlin. Les clubs, le mode de vie unique, décomplexé… Cela m’a fortement influencé.
Ces chansons, est-ce une réponse à votre mal être ?
J’ai eu beaucoup de problèmes avec l’industrie musicale, notamment mon propre label. Ma vie a changé aussi, je devais rattraper plein de choses du point de vue personnel. À l’origine, je ne pensais pas vivre en tant que musicien, avoir ce métier… Je crois que c’est une vie qui rend fou. Avec cet album, je voulais penser, parler de liberté et de politique. Je voulais rester fidèle à la dance music que j’aime.
C’est pour cela que vous avez créé votre propre label ?
Question de faire tout ce que je voulais. Je n’aime pas avoir une sorte de tuteur au-dessus de moi qui me dit comment faire mon son. Je ne fais pas de musique pour être une star, mais parce que j’aime ça. La moindre des choses c’est que mes propres disques me plaisent ! C’est compliqué de gagner sa vie ainsi. Mais j’assume ce choix.
C’est à Berlin que vous avez rencontré Boys Noize ?
Je les ai rencontrés d’abord à Miami, puis je les ai recroisés en Australie, et c’est là que nous avons décidé de travailler ensemble. C’est toujours un peu difficile de confier sa musique à quelqu’un d’autre. Mais les Boys Noize sont tellement gentils que cela s’est fait en toute confiance…
Comment avez-vous été amené à travailler avec Mark Ronson ?
Je connaissais Mark depuis un moment car nous avons beaucoup d’amis communs, nous faisions souvent la fête ensemble. Un beau jour, il m’a appelé pour savoir si je voulais venir écrire pour son album et j’étais particulièrement flatté. Il voulait faire un truc old school à la Motown. Si je l’ai convié à la production de Everything is Boring and Everyone is a Fucking Liar, c’est parce qu’il a toujours les meilleures idées du monde !
Vous aussi. Même si ce n’est pas tout à fait le même genre d’idées…
Il veut toujours faire de la pop, ce qu’il fait très bien. Moi, je suis plus expérimental. Mais j’ai grandi musicalement avec lui, nous avons beaucoup d’influences en commun. En fait, c’est un de mes héros ! (rires)
En tant qu’habitant de Philadelphie, avez-vous rencontré The Roots ?
Ah oui, j’ai rencontré Quest Love une ou deux fois. Ils sont plutôt intimidants, ces garçons. Je les admire beaucoup… C’est évidemment une de mes influences majeures, du moins sur le début de mon parcours musical.
Vous qui avez l’oreille, d’autres artistes retiennent-ils votre attention ?
Sonic Youth pour avoir allier la quantité et la qualité. Et Conan Mockassin, ce mec perché de Nouvelle Zélande… J’aime son album, c’est si naturel, si spirituel. J’aime sa façon d’écrire les chansons.
Votre grand projet pour 2012 ?
Je vais travailler sur mon nouvel album dès que je rentre à la maison, après ma tournée. Everything is Boring and Everyone is a Fucking Liar était un peu fou. J’aimerais que le prochain soit plus solide et peut-être, plus mature !
Interview : Sophie Rosemont
Photographie : Jorge Moreno Jr
EXTRAIT DEDICATE 28 – Printemps-Été 2012