A l’occasion de ce numéro, Pierre et Gilles ont bien voulu nous accorder un peu de leur temps en se prêtant au jeu de l’interview.
Le couple est au centre de la plupart de vos mises en scène. A l’occasion du thème de ce numéro, comment représenteriez-vous l’idée de la première rencontre ? L’émotion de la première rencontre entre deux personnes ?
(Sourire.) C’est une question difficile ! Même si nous avons peint beaucoup de couples, c’est une idée difficile à traduire car cela vient d’un sentiment très intérieur et dépend de beaucoup de choses. Nous pourrions peut-être vous parler simplement de notre première rencontre ?
Pourquoi pas (sourire).
Nous nous sommes rencontrés lors d’une fête dans les années 1970. Tout a commencé par une histoire d’amour et ce n’est qu’un an après que l’on a commencé à travailler ensemble.
Comment est née votre collaboration ?
Après cette rencontre nous avons continué à travailler chacun de notre côté pendant une année. A l’époque j’étais aux Beaux-Arts (Gilles), je faisais des peintures, des collages et des illustrations. Pierre faisait de la photographie et nous aimions collectionner et échanger des Photomaton. Nous aimions leurs couleurs saturées et artificielles. Un jour, nous avons décidé de faire des photographies classiques de nos amis, un peu sur le modèle des Photomaton, mais les couleurs et le résultat n’ont pas été satisfaisants. J’ai alors proposé à Pierre d’essayer de peindre directement sur le tirage afin de rehausser les couleurs. Nous étions tellement content du résultat que nous avons décidé de continuer à travailler ensemble. En fait, rien n’a été prémédité et cela a été une véritable révélation.
D’où vient votre inspiration ? Le modèle est-il le point de départ ? Et comment vivez-vous vos rapports avec lui?
C’est le modèle qui porte l’idée et toute l’œuvre se construit autour de lui. Nous avons aussi des idées en réserve mais qui ne peuvent prendre forme tant que nous n’avons pas trouvé le modèle idéal. Nous restons souvent en relation et bien souvent ce sont des amis. Il y a aussi des modèles que l’on a photographiés et que nous avons malheureusement perdus de vue avec le temps.
Faire œuvre commune et vivre ensemble est un choix peu commun, vous arrive-t-il parfois de ne pas être en accord sur le choix des thèmes ou le choix des modèles ?
Nous sommes presque toujours d’accord (sourire). Ce qui est bien dans notre relation, c’est que l’on ne peut pas être égocentrique et que l’on ne peut pas travailler que pour soi. Il faut laisser une place à l’autre et trouver un équilibre.
Le musée du Jeu de Paume propose une rétrospective de l’ensemble de vos travaux, comment est née l’idée du titre “double je” ? Et pourriez-vous en décrypter le sens ? Cela fait référence, je l’imagine, à votre œuvre commune ?
Nous avons trouvé et conçu le titre, Double je, comme un jeu de mots. Le double je c’est le je et je de nos deux personnalités. C’est le jeu de soi-même. Pour nous, travailler, c’est aussi un jeu. Enfin, il y a le clin d’œil au musée du Jeu de Paume.
Cette rétrospective marquera certainement une étape importante dans votre exceptionnel parcours, comment vivez-vous cela ?
Cette rétrospective est bien sûr une étape et non une finalité. Pour nous cette exposition est importante, d’une part parce qu’elle se déroule en France mais aussi parce qu’elle a lieu dans ce lieu symbolique et prestigieux du musée du Jeu de Paume. L’exposition devrait permettre au public de mieux comprendre l’ensemble de notre travail, commencé il y a trente ans.
Interview : Christophe Menager
Photographie : Pierre et Gilles
EXTRAIT DEDICATE 13 – Eté 2007