Les têtes dures de Leicester reviennent avec ce qu’ils considèrent – à raison – comme leur meilleur album à ce jour. Le rock viscéralement british de Velociraptor ! va nous dévorer tout crus. Interview d’un chanteur qui ne connaît visiblement pas la langue de bois : Tom Meghan.
En 2004, un album simplement baptisé Kasabian ressuscitait, d’un coup d’un seul, une brit-pop agonisante. Les coupables : un quatuor originaire de Leicester, ville industrielle perdue au milieu de l’Angleterre. Se reconnaissants sans doute chez ces jeunes hommes caractériels et plutôt dissipés, Noel et Liam Gallagher leur servent de parrains VIP.
Après Empire (2006) et le très acclamé West Ryder Pauper Lunatic Asylum (2009), leur quatrième opus va encore faire couler de l’encre. Il est pop, rock, psychédélique, sans oublier une petite touche d’électro bien sentie… Une réussite dont peut se vanter Tom Meghan. Et il ne s’en prive pas. Dirigeant sa petite bande aux côtés du guitariste et songwriter Sergio Pizzorno, le chanteur a tout fait pour mener Kasabian au sommet. Maintenant qu’Oasis est splitté, le but n’a jamais été aussi près.
Face à lui, un thé English Breakfast adouci d’un peu de lait : on est anglais ou on ne l’est pas… et il n’est que 10 heures du matin. Les yeux encore à moitié ouverts au début de notre conversation, Meghan se réveille au fur et à mesure, pour terminer notre discussion complètement surexcité.
Linda Kasabian était l’une des complices du psychopathe Charles Manson. Si vous deviez à nouveau choisir un nom, serait-ce celui-ci ?
Sans hésitation. Il est cool, non ? Il est un peu religieux, harmonieux, inédit… Il s’écrit aussi très facilement. Que des bonnes raisons de le garder, envers et contre tous.
Kasabian est né de votre amitié avec Sergio Pizzorno. Vous êtes toujours aussi proches, malgré des années passées au sein du même groupe ?
Nous nous sommes rencontrés au lycée. Même si nous n’étions pas dans la même classe. Je travaillais plus que lui, j’essayais au moins d’avoir mes exams, moi ! Depuis, c’est mon meilleur pote, rien ne pourra y changer. Quoi qu’il arrive.
Pourtant, quand on voit la triste destinée des frères Gallagher, dont vous êtes d’ailleurs proche, on peut se poser des questions…
Les embrouilles des Gallagher, ce ne sont pas mes oignons, même si je les aime beaucoup. Et puis, à quoi bon en faire autant d’histoires ? J’ai eu des groupes avant Kasabian et nous nous sommes bien bagarrés. J’en ai gardé pas mal de cicatrices. Mais que du sang gicle, ça arrive dans n’importe quel groupe, ça fait partie de son histoire. De son ADN.
Comment est né Velociraptor ?
Eh bien… nous n’avions rien planifié. Certes, nous avions certaines chansons qui étaient déjà prêtes l’année dernière et qui nous ont servi de point de départ. Nous avons juste assemblé plein de choses et ça a marché. Nous n’avons pas tergiversé pendant un an en nous tournant les pouces. Zéro perte de temps, c’est extraordinaire !
Vous ne semblez pas être du genre à prendre votre temps…
Nous fonctionnons comme un groupe de rock garage. Tout doit aller vite. Nous n’allons pas en studio pour faire un enregistrement de voix pendant 8 heures et refaire des prises encore et encore parce qu’on se dit que merde, ça ne va pas. Nous le faisons en une heure ou bien nous partons en claquant la porte, point.
Velociraptor, c’est donc une allusion au dinosaure… et ?
Avant toute chose, je pense que les noms des dinosaures sonnent super bien. Et puis les velociraptors réussissaient à échapper au T-Rex car ils évoluaient constamment en groupe de quatre. Un esprit d’équipe redoutable, ce qui nous caractérise bien.
Vous avez enregistré Velociraptor ! avec Dan the Automator qui avait déjà travaillé sur West Ryder Pauper Lunatic Asylum. Un nouveau partenaire ?
Il nous aime bien, je crois. Six mois après la fin de notre tournée, il m’a passé un coup de fil pour refaire un album. Il était prêt à aller faire des enregistrements de voix ! C’était en février. En avril, c’était bouclé. C’était impressionnant de voir à quel point c’était rapide ! Nous n’étions même pas dans le rush ou sous une quelconque pression. Dan est avant tout un bon gars, il sait y faire, il sait se détendre tout en nous relaxant pour nous permettre de mieux avancer. Il a su polir notre travail comme personne, le faire mieux sonner.
Du côté de la voix, on peut sentir une vraie amélioration. Vous avez pris des cours de chant ?
Non, je n’ai rien fait du tout. C’est bizarre, c’est comme ça que c’est venu. Car moi aussi j’ai remarqué une amélioration. Je n’ai même pas arrêté de fumer ! En fait, je suis un chanteur soul. Tout vient de mes tripes. Et c’est ce que je serai toujours. Mais il faut dire que cet album est très mélodique, il m’a permis de beaucoup m’exprimer…
Vous semblez très fier de ce nouveau disque…
Bien sûr, il est magnifique ! À la fois mélancolique, plein d’espoir, comment ne pas en être fier ? C’est un putain de disque ! Tout est parfaitement équilibré, on embrasse un large spectre de la pop music et du rock…
Outre les Beatles, Pink Floyd est évoqué à plusieurs reprises dans Velociraptor… Une influence assumée ?
Tout à fait. Dark Side Of The Moon est une référence absolue pour nous. Un dimanche, quand j’étais ado, nous sommes allés en famille nous balader dans une brocante. Il était neuf heures du mat’ et j’ai vu ce triangle sur ce disque. J’ai été intrigué, je l’ai acheté et voilà d’où est né mon amour pour Pink Floyd.
Une tournée de Kasabian, ça se passe comment, au vu de vos très forts caractères ?
Honnêtement, je ne sais pas. Cela fait longtemps que nous en faisons, nous avons nos petites habitudes, entre l’avion et le bus… Nous avons eu l’occasion de nous entre-tuer une bonne dizaine de fois. Mais nous nous débrouillons pas mal. Bon, il y a des medias qui dépassent largement les frontières de notre vie privée. Ceux qui te suivent partout. Nous sommes des putains de gens normaux que des putains de médias traquent. Comme si les gens s’intéressaient vraiment à notre vie !
Quel est votre meilleur souvenir au sein de Kasabian ?
Un concert en Ecosse, à Glasgow, partagé entre la pluie et le soleil. Nous jouions à midi, mais nous avons tout donné.
Et votre pire souvenir ?
Lorsqu’une de nos fans, Jennifer, est décédée en venant à l’un de nos concerts. Elle était très belle et très douce, ça a été un choc pour nous. Nous nous sommes toujours sentis particulièrement proches de nos fans, et encore plus ce jour-là.
Pourriez-vous être autre chose que chanteur ?
Non, je suis né pour ça. Dès l’âge de trois ans, je savais que j’étais fait pour être une star, comme James Brown ou Michael Jackson. À cinq ans, j’adorais chanter « Yellow Submarine » (là, il fredonne la chanson des Beatles, l’air ravi). Ma mère était fière… Je peux jouer de la guitare ou du piano, mais mon truc, c’est chanter. C’est une partie de moi, j’en ai besoin. Je me tuerais plutôt que de ne pas chanter moi-même nos chansons, je pourrais sauter d’un train ou me tirer une balle dans la bouche.
Enfin, si vous deviez définir votre musique en un seul mot ?
Nous sommes plutôt brit-pop, à l’origine… Mais que penses-tu de hip-rock ?
Cela me paraît pas mal…
Alors, garde hip-rock. Ça, c’est un scoop !
Interview : Sophie De Rosemont
Photographie : Dean Chaulkly
EXTRAIT DEDICATE 27 – Automne-Hiver 2011/2012