Petite Meller est une artiste ovni qui a déjà fait (presque) le tour du monde avant même de se faire connaître. Cette chanteuse née en France, a grandi à Tel-Aviv mais c’est à New-York que commence vraiment sa carrière. On l’avait déjà et d’abord croisée dans la formation électro-clash Terry Poison. Pour autant ses premières compos solo montrent très vite une toute autre orientation musicale, beaucoup plus solaire. Avec quelques singles à son actif dont certains auto-produits ou l’affriolant et récent Baby Love, cette Lolita excentrique un brin intello propose un univers frais, une pop acidulée tendance rose bonbon où se télescopent mélodies Eurovision, rythmes africains, solos de saxo et dance beats. La petite Meller est un brin fêlée mais a bel et bien la tête sur les épaules quand il s’agit de décrire son monde. Il y a fort à parier que son Baby Love provoquera un baby-boom cet été.
Petite, tu es née à Paris d’une mère française et d’un père polonais.
Je viens de me casser le pied et de découvrir que j’avais un os en plus dans mon corps, le docteur a émis l’hypothèse que je sois une mutante, j’imagine que cela explique en partie d’où je viens.
Tu as étudié en France ? Je crois que tu es calée en philosophie ?
Je suis en train d’écrire ma thèse en effet, elle traite de Lacan, Freud et Kant, mon diplôme se fait en collaboration entre Tel Aviv et La Sorbonne.
Quand as-tu commencé à t’intéresser à la musique ?
Je pense que cet intérêt dépend de tes tympans à la naissance (rires). J’ai toujours eu l’ouïe ultra développée et toujours été sensible à n’importe quel son, même minime. J’aime les accords sautillants et les mélodies qui donnent des frissons. Enfant j’écoutais les disques de jazz de mon père, ceux de Dizzy Gillespie et Charlie Parker notamment. Je m’endormais toujours en leur compagnie. Ou bien je dansais dans ma chambre près du tourne-disques !
Ma mère écoutait souvent les chansons de Charles Aznavour et Serge Gainsbourg, elle avait aussi un Cd mémorable de Chantal Goya, sur lequel elle chantait à tue-tête comme si sa vie en dépendait (rires) ! J’ai aussi été beaucoup influencée par les disques de Fela Kuti, Ladysmith Black Mambazo et surtout Graceland de Paul Simon. La combinaison de ces différentes inspirations se retrouvent un peu sur mon premier single Baby Love et sera le fil conducteur de mon premier album, actuellement en cours d’écriture.
On dit que ta grand-mère fut ta première muse ?
J’ai passé la plus grande partie de mon enfance avec ma grand-mère en effet, elle est pour beaucoup dans la construction de mon imaginaire. Elle m’a tant gâtée ! Elle avait un grand sens du style et portait toujours des robes de couleurs pâles, des collants et des foulards de fête. Elle a donc bien sûr été une grande source d’inspiration pour moi.
Ayant vécu à Tel-Aviv, est-ce que la musique hébraïque a également eu de l’importance ?
Pas vraiment non. Quand j’ai commencé à composer, j’ai d’abord chanté en français, c’est la langue qui venait spontanément et me semblait la plus musicale. En revanche la lumière de la ville m’a beaucoup marquée, dans tous les sens du terme. Il fait quasiment toujours beau à Tel-Aviv et ma peau est belle et bien celle d’une fille d’Europe de l’Est ; du coup j’ai le dos recouvert de tâches de rousseur et de brûlures de soleil, à force de trop m’être exposée… C’est depuis cette période que je suis complètement fétichiste des grands chapeaux.
C’est là que tu as eu tes premières expériences musicales ?
J’ai collaboré à quelques groupes locaux comme Terry Poison. Mais c’est vraiment quand je suis partie pour Brooklyn que j’ai trouvé la direction musicale de mon projet solo, en me baladant dans la rue, en entendant du jazz dans les clubs… ça m’a rappelé les disques de mon enfance justement, c’est ainsi qu’est née ma première chanson NYC Time, qui résulte à fond de cette expérience de la rue new-yorkaise, cette magie dont il est d’ailleurs question dans les paroles. La vidéo raconte cette période de ma vie, ce passage d’une petite banlieue à la Grosse Pomme, où tout a commencé. Quand je suis arrivée à New York, j’y ai rejoint mon oncle, un réalisateur qui a travaillé notamment sur le Muppets Show. Il m’a aidé à dégoter une bonne caméra. J’ai posté ma chanson sur le net et c’est comme ça que j’ai rencontré deux de mes fans, qui allaient par la suite devenir des collaborateurs géniaux pour mes vidéos, A.T Mann et Napoleon Habeica. Ils ont mis en image ce que j’imaginais pour NYC Time et m’ont ensuite suivie sur d’autres clips, Backpack, Icebear et la vidéo de Baby Love tournée en Afrique. Mon crew voyage compte donc beaucoup ! Napoleon est un photographe de Mexico, c’est moi qui lui aie suggéré de passer à la réalisation, je sentais que sa photo serait parfaite pour l’image filmée, ce qui s’est avéré être le cas. A.T Mann est un architecte de Boston qui vit maintenant à Tel Aviv. Il collabore aux scripts et apporte le côté graphique en supervisant l’architecture des décors de mes clips.
Tu écris tes propres chansons. Comment décrirais-tu ton style musical ?
C’est un mix de tous les disques que j’ai écoutés en grandissant : la musique africaine, la chanson française, le jazz et l’euro-pop.
Raconte-nous comment tu as publié tes premiers morceaux, en tant qu’artiste indépendante.
J’ai la certitude que lorsque tu as un rêve, il faut tout mettre en oeuvre pour qu’il devienne réalité. C’est ce que je me suis attelée à faire. Tous les gens avec qui je collabore et qui m’entourent ont été trouvés sur internet, comme la styliste Nao Koyabu, ou bien des designers anglais du London College of Fashion. Ensemble on fait des story-boards qui rassemblent toutes les images que j’ai en tête, de mes vacances à St Tropez adolescente aux films L’enfer de Clouzot avec Romy Schneider ou Pierrot le Fou de Jean Luc Godard. On essaye ensuite de retranscrire tout cela dans le style et l’image, à travers les clips ou bien les photos de presse notamment.
Comment te retrouves-tu aujourd’hui signée à Londres sur le label Island records ?
Un manager anglais de passage à New York cherchait la météo sur Google…Il est tombé par hasard sur la vidéo de NYC Time. A son retour, il m’a écrit et demandé de venir à Londres, ce que j’ai fait. Il m’a alors présenté des producteurs avec qui travailler sur mes compositions. Nous avons ensuite joué quelques démos à Island. La musique leur a plu et ils ont cru en mon univers, ma vision.
Tu travailles actuellement sur ton premier album avec les producteurs Joakim Åhlund & Craigie Dodds.
J’ai écrit Baby Love avec Joakim, un producteur suédois. Nous étions en studio à Stockholm, je lui ai demandé si je pouvais faire la rythmique avec ma bouche façon human beatbox, vu que je ne sais pas programmer des beats. Il a branché les micros, les sons qui sortaient de moi rappelaient des rythmes africains, on a donc ajouté des congas et des bongos et très vite imaginé où la vidéo du single devait se tourner. C’est pour ça que le clip se déroule dans la jungle au milieu des girafes (rires) ! Craigie Dodds est un producteur anglais qui a grandi an Afrique du Sud, il a travaillé sur mon album fétiche Graceland de Paul Simon. Il a aussi bossé avec Ladysmith Black Mambazo. Ces deux producteurs sont très drôles et intelligents, ils ont la magic touch parfaite selon moi.
La notion de voyage semble primordiale, inhérente à ton univers musical.
Parfois je me sens comme un guide touristique, parfois comme un explorateur qui découvre de nouvelles contrées dans son sub-conscient. J’essaye de refléter ça dans mes clips. Baby Love a été tournée à Nairobi, c’était un peu comme le paradis. Tous ces enfants si joyeux autour de moi, toutes ces couleurs, les flamants-roses !… Un temps je me suis même demandé si je n’allais pas m’installer là-bas définitivement.
La France te manque-t-elle parfois et si oui,pourquoi ?
Elle me manque oui car j’aime les philosophes français, Lacan, Deleuze, Derida, les écrivains comme Charles Baudelaire. J’aime pouvoir discuter de choses intellectuelles avec la première personne venue autour d’un verre de vin rouge, c’est assez fréquent à Paris. Je serai d’ailleurs bientôt en concert en France, j’en rougis d’avance !
www.petitemeller.com
Interview Philippe Laugier – Photographies John Michael Fulton et DR – Extrait de DEDICATE 33